« Va ! va ! pensait-il en la suivant. Manière-toi à ton aise, ma poulette. La concierge a parlé… Je te tiens. »
L’un derrière l’autre, ils longèrent la rue de la Paix, les boulevards, prirent la rue du Faubourg-Montmartre et arrivèrent à la rue des Martyrs. L’essayeuse fit halte devant un magasin de lingerie. Ovide vint se placer à côté d’elle.
« C’est bien à mademoiselle Amanda que j’ai la bonne fortune de parler ? » murmura-t-il d’un ton insinuant.
La jeune fille regarda son interlocuteur et joua la surprise.
« Oui, monsieur, répondit-elle. Mais je n’ai pas l’honneur de vous connaître.
– Ceux qui vous admirent sont trop nombreux, vous ne pouvez les connaître tous », répliqua galamment Ovide.
Amanda pensa : « Plus très jeune, mais bien conservé et rudement chic ! »
« La rue des Martyrs est longue et montueuse, par conséquent fatigante, reprit Ovide. Voulez-vous me permettre, mademoiselle, de vous offrir l’appui de mon bras ? »
Amanda crut devoir balbutier :
« Monsieur, je vous répète que je ne vous connais pas.
– Sans doute, mais je vous connais, moi, depuis longtemps j’ai le désir de vous connaître plus encore.
– Je ne m’explique pas le désir dont vous parlez.
– Trois mots vous en donneront l’explication : « Je vous aime !… »
– Les hommes disent cela à toutes les femmes.
– Les autres peuvent mentir, moi, je suis sincère.
– Alors, si vous m’aimiez, quelles sont vos intentions ?
– Honorables, mademoiselle, mais il est difficile d’avoir dans la rue une conversation sérieuse et suivie. Peut-être d’ailleurs n’avez-vous point encore dîné.
– Non, monsieur.
– Permettez-moi de vous offrir des huîtres, un perdreau et des écrevisses. Nous causerons les coudes sur la table.