« Le choix de la comparaison me semble malheureux ; mais, en admettant que l’assassin de Melle Lucie ait fait une imprudence, et que quelqu’un puisse se servir de cette imprudence pour le compromettre, sans doute inventerait-il un ingénieux moyen de parer les coups. En voilà assez sur ce sujet. Nous sommes amis, n’est-ce pas ? Irons-nous au spectacle ce soir ?
– Je préfère rentrer chez moi. Je me sens brisée.
– C’est au mieux. De mon côté je regagnerai mon logis.
– Vous ne m’avez jamais dit où vous demeuriez. Je pourrais avoir à l’improviste besoin de vous écrire.
– C’est ce qu’il ne faut pas. Je suis marié, père de famille, et je tiens à la paix de mon intérieur. »
Amanda se garda bien d’insister, mais elle pensait :
« Fais le mystérieux, mon bonhomme ! Je découvrirai ce que tu me caches ! »
Melle Amanda, rentrée chez elle, se trouva dans un état de surexcitation facile à comprendre.
« Ainsi, se disait-elle en trépignant de colère, cet homme a acheté ce papier maudit et me tient pieds et poings liés ! Quel intérêt ? Cet homme se sent deviné par moi. Le vieux monsieur de bonne tenue qui a acheté le couteau au quai Bourbon, c’était lui ! Le meurtrier qui a guetté et frappé Lucie, c’était lui ! Je mettrais ma tête à couper que c’était lui ! Et cependant les preuves me manquent… Mais, quand j’en aurais, à quoi me serviraient-elles ? »
Soliveau, de son côté, se tenait ce langage :
« Cette coquine m’a deviné et je suis certain qu’elle aurait pris plaisir à faire de moi l’objet d’un joli chantage ! Heureusement, je possède de quoi lui lier la langue. »
Jacques Garaud attendait avec une impatience facile à comprendre le retour de son complice. Dès que les deux hommes furent en tête-à-tête dans le cabinet, Jacques Garaud demanda :