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Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/370

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Dix heures et demie sonnèrent, puis onze heures. Ovide quitta son siège, se dirigea vers la fenêtre du pavillon dont il ferma le volet, et revint s’asseoir en face d’Amanda. Celle-ci continuait à fumer cigarettes sur cigarettes. Tout à coup, comme Jacques vingt et une années auparavant, elle se trouva d’une façon foudroyante sous l’influence de la liqueur bavarde.

« La gorge me brûle, fit-elle, j’ai soif. »

Elle se versa un grand verre d’eau et le but avidement.

Cette absorption ne fit que hâter l’effet prévu. Amanda se dressa, les membres raidis, les yeux hagards.

Ovide, comprenant que le moment était venu, commença :

« Eh bien, avez-vous deviné quel était l’homme qui s’est payé le couteau du quai Bourbon ? »

Amanda répondit, d’une voix sifflante :

« L’homme ? C’est le même qui est allé à Joigny collectionner le billet faux de Duchemin et la preuve du vol que j’ai commis chez Melle Delion. Est-ce que vous vous figurez que je ne vous avais point deviné depuis longtemps ? C’est vous qui, certain soir où vous m’avez conduite chez Lucie, avez acheté le couteau pendant que je montais… C’est vous qui êtes allé vous embusquer sur le chemin que devait suivre la pauvre fille… c’est vous qui l’avez frappée. Vous valez moins que moi, mon bien cher. Je suis une voleuse, oui, mais vous êtes un assassin ! »

Elle parlait de plus en plus haut, et sa voix devenait stridente. Ovide se leva pour lui imposer silence. Elle recula.

« Laissez-moi ! Laissez-moi ! cria-t-elle. Ah ! je vous connais ; pas encore entièrement, mais je saurai bientôt qui vous êtes. Et quand j’aurai découvert le nom caché sous celui du baron de Reiss, tant pis pour vous !… Ah ! vous pouvez me perdre. Eh bien, je vous perdrai la première… Pourquoi vouliez-vous tuer Lucie ? Il y a là un mystère que j’éclaircirai… »

Ovide était devenu pâle. Il tremblait.

« Tais-toi, bégaya-t-il, je t’ordonne de te taire !