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avant-propos.

qu’avant les Croisades. Ce qui doit être l’origine des Fabliaux, ce sont des recueils de petits contes écrits en latin, et nous en possédons fort peu, surtout avec une date certaine. On peut en particulier croire que les Gesta Romanorum, à part, bien entendu, les moralisations qui me semblent évidemment ajoutées et très-postérieures au texte, sont bien plus anciens qu’on ne le pense ; ils sont évidemment postérieurs aux légendes des Mirabilia Urbis Romæ, mais doivent encore appartenir, au moins originairement, à ces quelques siècles du premier Moyen Âge par le plus étrange oubli et la perversion la plus singulière des faits, des noms et des idées les plus vulgaires de l’antiquité ; il y a là un reste et un fonds de contes barbares dont nous ne possédons presque plus rien et où les Fabliaux avaient leur racine peut-être plus directe que dans l’Orient. Et même celui-ci est venu trouver l’Europe, mais par plus d’intermédiaires qu’on ne le dit d’ordinaire. Les premiers sont les Arabes, mais ils n’eussent pas suffi ; le second et vrai intermédiaire, c’est le peuple cosmopolite par excellence et le seul qui le fut au Moyen Âge, c’est-à-dire les Juifs, orientaux eux-mêmes d’esprit et de tradition, qui seuls savaient l’arabe et qui seuls pouvaient le traduire en latin, la langue unique et générale par le canal de laquelle un conte aussi bien qu’une idée pouvait entrer dans le courant européen. Une trace