Se Diex t’aïst[1], s’onques tuas
Onques nul home si te tue,
Que tu ne valz une letue,
Ne chose que tu saiches faire.
Pour Dé[2], si te devroies taire ;
Ne dois pas parler contre moi.
Que t’ai-ge dit ? or me di quoi ?
Tu ne sez à nul bien repondre[3] ;
Pour ce si te devroit on[4] tondre
Tantot autresi come un sot.
Tu ne sez dire nul bon mot
Dont tu puisses en pris monter ;
Mais ge sai aussi bien conter[5].
Et en roumanz et en latin.
Aussi au soir come au matin,
Devant contes et devant dus,
Et si resai bien faire plus
Quant ge sui à cort ou[6] à feste.
Car ge sai de chançon de geste.
Cantères sui qu’el mont n’a tel[7] :
Ge sai de Guillaume au tinel[8],
Si com il arriva as nés,
Et de Renoart au cort nés[9]
Sai-ge bien chanter com[10] ge vueil,
Et si sai d’Aïe de Nantueil[11]
Si com ele fu en prison ;
Si sai de Garins d’Avignon[12],
Qui moult estore bon romans ;
Si sai de Guion d’Aleschans[13]
- ↑ 46 — Diex t’aïst. B, t’aïst Diex. — s’onques tu as, lisez s’onques tuas. B, se tu tuas.
- ↑ 50 — Pour Dé. B, Pour ce.
- ↑ 53 — repondre. B, respondre.
- ↑ 54 — on. B, l’en.
- ↑ 58 — conter. B, chanter.
- ↑ 63 — et, lisez ou.
- ↑ 65 — B, Chanter el monde n’i a tel.
- ↑ 66 — On remarquera que, dans l’énumération des chansons de geste, la plaisanterie consiste à emprunter à deux chansons différentes les éléments de deux nouveaux titres combinés deux à deux. Ici « Guillaume au tinel » est une allusion à « Guillaume au cort nez ».
- ↑ 68 — « Renoart au cort nés », allusion à « Renoart au tinel ».
- ↑ 69 — com. B, quant.
- ↑ 70 — d’Aie. B, d’Aien. — « Aïe de Nanteuil », allusion au roman d’« Aïe d’Avignon ».
- ↑ 72 — Garins. A, B, Garnier, qui est la bonne leçon. — « Garnier d’Avignon », allusion à « Garnier de Nanteuil ».
- ↑ 74 — « Guyon d’Aleschans », allusion à « Guy de Bourgogne ».