LXXV
LA PLANTEZ
ïde Deus qui tot governe !
Il avint en une taverne
L’autre an, si con Acre fu prise,[2]
Bien en ai la matire aprise,
C’uns bachelers de Normandie,
Dont[3] maint gentil ome mandie,
Se voloit disner par matin ;
Mais n’ot geline ne pocin
Ne à[4] mangier qui gaires vaille,
Fors un sol panet de maaille[5].
En sa main tenoit un denier ;
Si commanda au tavernier
Que danrée de vin li traie ;
Et cil de noiant ne delaie,
Qui mout ert fiers et orgoillos[6]
Cointes, vasaus et otragos :
Au tonel vint grant aleüre,
Trestote[7] plaine la mesure
Prant un henap : trestot de plain
Au Normant lo mist en la main :
- ↑ LXXV. — La Plantez, p. 170.
Notre texte est établi d’après la copie de la Bibliothèque nationale (coll. Moreau, 1720, Mouchet, 46), que nous désignons par M.
Publié par Méon, Nouveau Recueil, I, 338-342 ; par Renouard dans Legrand d’Aussy, I, app. 28-30 ; et par M. Paul Meyer, Recueil d’anciens textes, 350-352 ; traduit par Legrand d’Aussy, I, 337-339, sous le titre de « Le Bachelier normand ».
- ↑ Vers 3 — Nous avons à choisir entre deux dates pour la prise d’Acre, 1191 par les chrétiens, et 1291 par les musulmans.
- ↑ 6 — * Dont. M, Don.
- ↑ 9 — * Ne à. M, N’a.
- ↑ 10 — * maaille. M, maille.
- ↑ 15 — * orgoillos. M, orgoilleus.
- ↑ 18 — * Trestote. M, Trestot.