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le testament de l’asne

Compeignie de boens crestiens
50Estoit ces droiz fisiciens ;
Touz jors estoit plainne sa sale.
Sa maignie n’estoit pas male,
Mais, quanque li sires voloit,
Nuns de ces sers ne s’en doloit.
55Cil ot mueble, ce fut de dete,
Car qui trop despent, il s’endete.
Un jour grant compaignie avoit
Li preudons, qui toz biens savoit ;
Si parla l’en de ces clers riches,
60Et des prestres avers et chiches,
Qui ne font bontei ne honour
A evesque ne à seignour.
Cil prestres i fut emputeiz,
Qui tant fut riches et monteiz ;
65Ausi bien fut sa vie dite
Con c’il la veïssent escrite.
Et li dona l’en plus d’avoir
Que troi n’em peüssent avoir,
Car hom dit trop plus de la choze
70Que on n’i trueve à la parcloze :
« Ancor at il teil choze faite,
Dont granz monoie seroit traite,
S’estoit qui la meïst avant, »
Fait cil qui vuet servir devant,
75« Et c’en devroit grant guerredon.
— Et qu’a il fait, » dit li preudom ?
— Il at pis fait c’un Beduyn[1],
Qu’il at son asne Bauduyn[2]

  1. 77 — Le mot « Bédouin », employé à l’époque de ce fabliau, nous prouve qu’alors il avait déjà le sens extensif que le peuple lui donne aujourd’hui.
  2. 78 — « Baudoin » est le nom donné par tout le moyen âge au baudet. Chaque animal avait son surnom : l’ours s’appelait Bernart (de nos jours Martin), le moineau Drouineau, le goupil Renart (qui est resté), etc.