De la Bataille de Dreux
L y eut tout plein de rares accidens en nostre bataille de Dreux ; mais ceux qui ne favorisent pas fort la reputation de monsieur de Guise, mettent volontiers en avant qu’il ne se peut excuser d’avoir faict alte et temporisé avec les forces qu’il
commandoit, cependant qu’on enfonçoit monsieur le Connestable, chef
de
l’armée, avecques l’artillerie, et qu’il valoit mieux se hazarder,
prenant l’ennemy par flanc, qu’attendant l’advantage de le voir en
queue, souffrir une si lourde perte ; mais outre ce que l’issue en
tesmoigna, qui en debattra sans passion me confessera aisément, à
mon
advis, que le but et la visée, non seulement d’un capitaine, mais de
chaque soldat, doit regarder la victoire en gros, et que nulles
occurrences particulieres, quelque interest qu’il y ayt, ne le
doivent
divertir de ce point là. Philopoemen, en une rencontre contre
Machanidas, ayant envoyé devant, pour attaquer l’escarmouche, bonne
trouppe d’archers et gens de traict, et l’ennemy, apres les avoir
renversez, s’amusant à les poursuivre à toute bride et coulant apres
sa victoire le long de la bataille où estoit Philopoemen, quoy que
ses soldats s’en émeussent, il ne fut d’advis de bouger de sa place,
ny de se presenter à l’ennemy pour secourir ses gens ; ains, les ayant
laissé chasser et mettre en pieces à sa veue, commença la charge sur
les ennemis au bataillon de leurs gens de pied, lors qu’il les vit
tout
à fait abandonnez de leurs gens de cheval ; et, bien que ce fussent
Lacedemoniens, d’autant qu’il les prit à heure que, pour tenir tout
gaigné, ils commençoient à se desordonner, il en vint aisément à
bout, et, cela fait, se mit à poursuivre Machanidas. Ce cas est
germain à celuy de Monsieur de Guise.
En cette aspre bataille d’Agesilaus contre les Boeotiens, que
Xenophon, qui y estoit, dict estre la plus rude qu’il eust onques veu,
Agesilaus refusa l’avantage que fortune luy presentoit, de laisser
passer