establir, il faille renverser une paix publique, et introduire tant de
maux inevitables et une si horrible corruption de meurs que les
guerres
civiles apportent, et les mutations d’estat, en chose de tel pois ; et
les introduire en son pays propre.
Est ce pas mal mesnagé, d’advancer tant de vices certains et cognus,
pour combattre des erreurs contestées et debatables ? Est-il quelque
pire espece de vices, que ceux qui choquent la propre conscience et
naturelle cognoissance ? Le Senat osa donner en payement cette
deffaitte, sur le different d’entre luy et le peuple, pour le
ministere
de leur religion : Ad deos id magis quam ad se pertinere, ipsos visuros ne sacra sua polluantur, conformement à ce que respondit
l’oracle à ceux de Delphes en la guerre Médoise. Craignans
l’invasion des Perses ils demandarent au Dieu ce qu’ils avoient à
faire des tresors sacrez de son temple, ou les cacher, ou les
emporter.
Il leur respondit qu’ils ne bougeassent rien ; qu’ils se souignassent
d’eux ; qu’il estoit suffisant pour pourvoir à ce qui luy estoit
propre.
La religion Chrestienne a toutes les marques d’extreme justice et
utilité ; mais nulle plus apparente, que l’exacte recommandation de
l’obéissance du Magistrat, et manutention des polices. Quel
merveilleux exemple nous en a laissé la sapience divine, qui, pour
establir le salut du genre humain et conduire cette sienne glorieuse
victoire contre la mort et le peché, ne l’a voulu faire qu’à la
mercy
de
nostre ordre politique ; et a soubmis son progrez, et la conduicte d’un
si haut effect et
si salutaire, à l’aveuglement et injustice de nos observations et
usances : y laissant courir le sang innocent de tant d’esleuz ses
favoriz, et souffrant une longue perte d’années à meurir ce fruict
inestimable. Il y a grand à dire, entre la cause de celui qui suyt
les formes et les loix de son pays, et celui qui entreprend de les
regenter et changer. Celuy-là allegue pour son excuse la simplicité,
l’obeissance et l’exemple : quoy qu’il face, ce ne peut estre malice,
c’est, pour le plus, malheur.
Quis est enim quem non moveat clarissimis monumentis testata consignataque antiquitas. Outre ce que dict Isocrates, que la
defectuosité a plus de part à la moderation que n’a l’exces.
L’autre est en bien plus rude party, car qui se mesle de choisir et
de
changer, usurpe l’authorité de juger, et se doit faire fort de voir
la
faute de ce qu’il chasse, et le bien de ce qu’il introduit.
Cette si vulgaire consideration m’a fermi en mon siege, et tenu ma
jeunesse mesme, plus temeraire, en bride : de ne charger mes espaules
d’un si lourd faix, que de me rendre respondant d’une science de telle
importance, et oser en cette cy ce qu’en sain jugement je ne pourroy
oser en la plus facile de celles ausquelles on m’avoit instruit, et
ausquelles la temerité de juger est de nul prejudice : me semblant
tres-inique de vouloir sousmettre les constitutions et observances
publiques et immobiles à l’instabilité d’une privée fantasie (la
raison privée n’a qu’une jurisdiction privée) et entreprendre sur
les
loix divines ce que nulle police ne supporteroit aux civiles,
ausquelles encore que l’humaine raison aye beaucoup plus de commerce,
si sont elles souverainement juges de leurs juges ; et l’extreme
suffisance sert à expliquer et estendre l’usage qui en est receu, non
à le destourner et innover. Si quelques fois la Providence divine a
passé par-dessus les regles ausquelles elle nous a necessairement
astreints, ce n’est pas pour nous en dispenser. Ce sont coups de sa
main divine, qu’il nous faut, non pas imiter, mais admirer, et
exemples
extraordinaires, marquez d’un exprez et particulier adveu, du genre des
miracles qu’elle nous offre, pour tesmoignage de sa toute puissance,
au-dessus de noz ordres et de noz forces, qu’il est folie et impieté
d’essayer à representer, et que nous ne devons pas suivre, mais
contempler avec estonnement. Actes de son personnage, non pas du
nostre. Cotta proteste bien opportunement :
Quum de religione agitur Titus Coruncanium, Publius Scipionem, Publius Scaevolam, pontifices maximos, non Zenonem aut Cleanthem aut Chrysippum sequor.
Dieu le sçache, en nostre presente querelle, où il y a cent
articles
à oster et remettre, grands et profonds articles, combien ils sont qui
se puissent vanter d’avoir exactement recogneu les raisons et
fondements de
l’un et l’autre party ? C’est un nombre, si c’est nombre, qui n’auroit
pas grand moyen de nous troubler. Mais toute cette autre presse, où
va elle ? soubs quell’ enseigne se jette-elle à quartier ? Il advient
de la leur, comme des autres medecines foibles et mal appliquées : les
humeurs qu’elle vouloit purger en nous, elle les a eschaufées,
exasperées
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