Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/376

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Pompeius à Brindes, il subjuga l’Italie en dix-huict jours, revint de Brindes à Rome ; de Rome il s’en alla au fin fonds de l’Espaigne, où il passa des difficultez extremes en la guerre contre Affranius et Petreius, et au long siege de Marseille. De là il s’en retourna en la Macedoine, battit l’armée Romaine à Pharsale, passa de là, suyvant Pompeius, en Aegypte, laquelle il subjuga ; d’Aegypte il vint en Syrie et au pays du Pont où il combatit Pharnaces ; de là en Afrique, où il deffit Scipion et Juba, et rebroussa encore par l’Italie en Espaigne, où il deffit les enfans de Pompeius,

Ocior et coeli flammis et tigride foeta.
Ac veluti montis saxum de vertice praeceps
Cum ruit avulsum vento, seu turbidus imber
Proluit, aut annis solvit sublapsa vetustas,
Fertur in abruptum magno mons improbus actu,
Exultatque solo, silvas, armenta virosque
Involvens secum.

Parlant du siege d’Avaricum, il dit que c’estoit sa coustume de se tenir nuict et jour pres des ouvriers, qu’il avoit en besoigne. En toutes entreprises de consequence, il faisoit tousjours la descouverte luy mesme, et ne passa jamais son armée en lieu qu’il n’eut premierement reconnu. Et, si nous croyons Suetone, quand il fit l’entreprise de trajetter en Angleterre il fut le premier à sonder le gué. Il avoit accoustumé de dire qu’il aimoit mieux la victoire qui se conduisoit par conseil, que par force. Et, en la guerre contre Petreius et Afranius, la fortune luy presentant une bien apparante occasion d’advantage, il la refusa, dit-il, esperant avec un peu plus de longueur, mais moins de hazard, venir à bout de ses ennemis. Il fit aussi là un merveilleux traict, de commander à tout son ost de passer à nage la riviere sans aucune necessité,

rapuitque ruens in praelia miles,