- Ille solus nescit omnia.
Je ne sçache homme qui peust apporter plus de parties et naturelles et acquises, propres à conserver la maistrise, qu’il faict, et si en est descheu comme un enfant. Partant l’ay-je choisi parmy plusieurs telles conditions que je cognois, comme plus exemplaire.
Ce seroit matiere à une question scholastique, s’il est ainsi mieux, ou autrement. En presence, toutes choses luy cedent. Et laisse-on ce vain cours à son authorité, qu’on ne luy resiste jamais : On le croit, on le craint, on le respecte tout son saoul. Donne-il congé à un valet ? il plie son pacquet, le voila party : mais hors de devant luy seulement : Les pas de la vieillesse sont si lents, les sens si troubles, qu’il vivra et fera son office en mesme maison, un an, sans estre apperceu. Et quand la saison en est, on faict venir des lettres lointaines, piteuses, suppliantes, pleines de promesse de mieux faire, par où on le remet en grace. Monsieur fait-il quelque marché ou quelque depesche, qui desplaise ? on la supprime : forgeant tantost apres, assez de causes, pour excuser la faute d’execution ou de responce. Nulles lettres estrangeres ne luy estants premierement apportées, il ne void que celles qui semblent commodes à sa science. Si par cas d’advanture il les saisit, ayant en coustume de se reposer sur certaine personne, de les luy lire, on y trouve sur le champ ce qu’on veut : et faict-on à tous coups que tel luy demande pardon, qui l’injurie par sa lettre. Il ne void en fin affaires, que par une image disposée et desseignée et satisfactoire le plus qu’on peut, pour n’esveiller son chagrin et son courroux. J’ay veu souz des figures differentes, assez d’oeconomies longues, constantes, de tout pareil effect.
Il est tousjours proclive aux femmes de disconvenir à leurs maris. Elles saisissent à deux mains toutes couvertures de leur contraster : la premiere excuse leur sert de pleniere justification. J’en ay veu, qui desrobboit gros à son mary, pour, disoit-elle à son confesseur, faire ses aulmosnes plus grasses. Fiez vous à cette religieuse dispensation. Nul maniement leur semble avoir assez de dignité, s’il vient de la concession du mary. Il faut qu’elles l’usurpent ou finement, ou fierement, et tousjours injurieusement, pour luy donner de la grace et de l’authorité. Comme en mon propos, quand c’est contre un pauvre vieillard, et pour des enfants, lors empoignent elles ce tiltre, et en servent leur passion, avec gloire : et comme en un commun servage, monopolent facilement contre sa domination et gouvernement. Si ce sont masles, grands et fleurissans, ils subornent aussi incontinent ou par force, ou par faveur, et maistre d’Hostel et receveur, et tout le reste. Ceux qui n’ont ny femme ny fils, tombent en ce malheur plus difficilement, mais plus cruellement aussi et indignement. Le vieil Caton disoit en son temps, qu’autant de valets, autant d’ennemis. Voyez si selon la distance de la pureté de son siecle au nostre, il ne nous a pas voulu advertir, que femme, fils, et valet, autant d’ennemis à nous. Bien sert à la decrepitude de nous fournir le doux benefice d’inappercevance et d’ignorance, et facilité à nous laisser