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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 3.djvu/151

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ses reigles, et y attacheray mes successeurs autant que je pourray. Si je pouvois mieux pour luy, je le feroys. Je me glorifie que sa volonté s’exerce encores et agisse par moy. Jà, à Dieu ne plaise que je laisse faillir entre mes mains aucune image de vie que je puisse rendre à un si bon pere. Ce que je me suis meslé d’achever quelque vieux pan de mur et de renger quelque piece de bastiment mal dolé, ç’a esté certes plus regardant à son intention qu’à mon contentement. Et accuse ma faineance de n’avoir passé outre à parfaire les beaux commencements qu’il a laissez en sa maison ; d’autant plus que je suis en grans termes d’en estre le dernier possesseur de ma race et d’y porter la derniere main. Car quant à mon application particuliere, ny ce plaisir de bastir qu’on dict estre si attrayant, ny la chasse, ny les jardins, ny ces autres plaisirs de la vie retirée, ne me peuvent beaucoup amuser. C’est chose dequoy je me veux mal, comme de toutes autres opinions qui me sont incommodes. Je ne me soucie pas tant de les avoir vigoreuses et doctes, comme je me soucie de les avoir aisées et commodes à la vie : elles sont assez vrayes et saines si elles sont utiles et aggreables. Ceux qui, en m’oyant dire mon insuffisance aux occupations du mesnage, vont me soufflant aux oreilles que c’est desdain, et que je laisse de sçavoir les instrumens du labourage, ses saisons, son ordre, comme on faict mes vins, comme on ente, et de sçavoir le nom et la forme des herbes et des fruicts et l’aprest des viandes de quoy je vis, le nom et le pris des estoffes de quoy je m’abille, pour avoir à cueur quelque plus haute science, ils me font mourir. Cela c’est sottise et plustost bestise que gloire. Je m’aimerois mieux bon escuyer que bon logitien :

Quin tu aliquid saltem potius quorum indiget usus,
Viminibus mollique paras detexere junco ?

Nous empeschons noz pensées du general et des causes et conduittes universelles, qui se conduisent tres-bien sans nous, et laissons en arrière nostre faict et Michel, qui nous touche encore de plus pres que l’homme. Or j’arreste bien chez moy le plus ordinairement, mais je voudrois m’y plaire plus qu’ailleurs.

Sit meae sedes utinam senectae,
Sit modus lasso maris, et viarum,
                  Militiaeque.

Je ne sçay si j’en viendray à bout. Je voudrois qu’au lieu de