Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 3.djvu/166

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Quod me jus cogit, vix voluntate impetrent.

Où la necessité me tire, j’ayme à lacher la volonté, quia quicquid imperio cogitur, exigenti magis quam praestanti acceptum refertur. J’en sçay qui suyvent cet air jusques à l’injustice : donnent plustost qu’ils ne rendent, prestent plustost qu’ils ne payent, font plus escharsement bien à celuy à qui ils en sont tenus. Je ne vois pas là, mais je touche contre. J’ayme tant à me descharger et desobliger que j’ay par fois compté à profit les ingratitudes, offences et indignitez que j’avois receu de ceux à qui, ou par nature ou par accident, j’avois quelque devoir d’amitié, prenant cette occasion de leur faute à autant d’acquit et descharge de ma debte. Encore que je continue à leur payer les offices apparents de la raison publique, je trouve grande espargne pourtant à faire par justice ce que je faisoy par affection et à me soulager un peu de l’attention et sollicitude de ma volonté au dedans (est prudentis sustinere ut cursum, sic impetum benevolentiae), laquelle j’ay un peu bien urgente et pressante, où je m’adonne, au-moins pour un homme qui ne veut aucunement estre en presse ; et me sert cette mesnagerie de quelque consolation aux imperfections de ceux qui me touchent. Je suis bien desplaisant qu’ils en vaillent moins, mais tant y a que j’en espargne aussi quelque chose de mon application et engagement envers eux. J’approuve celuy qui ayme moins son enfant d’autant qu’il est ou teigneux ou bossu, et non seulement quand il est malicieux, mais aussi quand il est malheureux et mal nay (Dieu mesme en a rabbatu cela de son pris et estimation naturelle), pourveu qu’il se porte en ce refroidissement avec moderation et exacte justice. En moy, la proximité n’allege pas les deffaults, elle les aggrave plustost. Apres tout, selon que je m’entends en la science du bien-faict et de recognoissance, qui est une subtile science et de grand usage, je ne vois personne plus