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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/187

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à celui qui venait en troisième ligne ; — où on change de forme de gouvernement aussi fréquemment que les affaires[1] le comportent ; on y dépose le roi quand cela semble à propos ; et en son lieu et place, on confie le pouvoir à quelques anciens ou on le laisse au peuple ; — où hommes et femmes sont circoncis, et les uns et les autres baptisés ; — où le soldat qui, en un ou plusieurs combats, est arrivé à présenter au roi sept têtes d’ennemis tués par lui, est fait noble ; — où, chose rare et peu conforme aux principes sociaux, on n’admet pas l’immortalité de l’âme ; — où les femmes accouchent sans appréhension et sans se plaindre ; — où elles font usage de jambières de cuivre qu’elles portent à chaque jambe ; dans ces mêmes contrées, mordues par un pou, il est bienséant qu’elles le détruisent avec les dents ; et, elles n’oseraient se marier, sans avoir au préalable offert au roi leur pucelage ; — où on salue en touchant la terre du doigt, l’élevant ensuite vers le ciel ; — où les hommes, transportant des fardeaux, les portent sur la tête ; les femmes sur les épaules ; là encore les femmes pissent debout et les hommes accroupis ; — où en signe d’amitié, on envoie de son sang aux personnes que l’on affectionne ; et les hommes que l’on veut honorer, y sont encensés, comme cela se pratique vis-à-vis des dieux ; — où les mariages ne peuvent se contracter, non seulement entre parents au quatrième degré, mais ne sont pas admis, quel que soit le degré de parenté, si éloigné qu’il soit ; — où les enfants sont laissés en nourrice jusqu’à quatre ans, et même jusqu’à douze ; et chez les mêmes, on considère comme pouvant entraîner la mort de l’enfant qui vient de naître, de lui donner à téter avant un jour révolu ; — où les pères ont charge de châtier les individus du sexe masculin, et les mères, en dehors de tout regard indiscret, les personnes de leur sexe, et où existe ce châtiment de pendre le patient par les pieds et l’enfumer ; — où on circoncit les femmes ; — où toute herbe est utilisée pour la consommation, sauf celles exhalant une mauvaise odeur ; — où rien n’est clos ; les habitations si belles et si riches qu’elles soient, n’y ont ni porte, ni fenêtre ; il n’y a pas de coffres qui ferment et les voleurs y sont punis beaucoup plus sévèrement qu’ailleurs ; — où on tue les poux avec les dents, comme font les singes, et trouve dégoûtant de les écraser avec les ongles ; — où dans tout le cours de la vie, on ne se coupe jamais ni les cheveux, ni la barbe, ni les ongles. — Il en est où on ne coupe que les ongles de la main droite, conservant intacts par coquetterie ceux de la main gauche ; — où on laisse croître les cheveux et la barbe du côté droit, quelle que soit la longueur qu’ils peuvent atteindre, et rase ceux de l’autre côté. — Dans des pays voisins les uns des autres : ici, c’est par devant qu’on laisse croître les cheveux tandis qu’on rase ceux de derrière ; là, c’est l’inverse. — Il s’en trouve où les pères prêtent pour en jouir, moyennant paiement, leurs enfants à leurs hôtes ; les maris leur prêtent leurs femmes ; — où il n’est pas deshonnête de faire des enfants à sa mère ; pas plus que les pères s’unir à leurs filles et caresser leurs fils ; —

  1. *