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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/394

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Estans plus soigneuses de l’honneur de leurs maris, que de toute autre chose, elles cherchent et mettent leur solicitude à auoir le plus de compaignes qu’elles peuuent, d’autant que c’est vn tesmoignage de la vertu du mary. Les nostres crieront au miracle : ce ne l’est pas. C’est vne vertu proprement matrimoniale : mais du plus haut estage. Et en la Bible, Lea, Rachel, Sara et les femmes de Iacob fournirent leurs belles seruantes à leurs maris, et Liuia seconda les appétits d’Auguste, à son interest : et la femme du Roy Deiotarus Stratonique, presta non seulement à l’vsage de son mary, vne fort belle ieune fille de chambre, qui la seruoit, mais en nourrit soigneusement les enfants : et leur feit espaule à succéder aux estats de leur père.Et afin qu’on ne pense point que tout cecy se face par vne simple et seruile obligation à leur vsance, et par l’impression de l’authorité de leur ancienne coustume, sans discours et sans iugement, et pour auoir l’ame si stupide, que de ne pouuoir prendre autre party, il faut alléguer quelques traits de leur suffisance. Outre celuy que ie vien de reciter de l’vne de leurs chansons guerrières, i’en ay vn’autre amoureuse, qui commence en ce sens : Couleuure arreste toy, arreste toy couleuure, afin que ma sœur tire sur le patron de ta peinture, la façon et l’ouurage d’vn riche cordon, que ie puisse donner à m’amie : ainsi soit en tout temps ta beauté et ta disposition préférée à tous les autres serpens. Ce premier couplet, c’est le refrein de la chanson. Or i’ay assez de commerce auec la poésie pour iuger cecy, que non seulement il n’y a rien de barbarie en cette imagination, mais qu’elle est tout à faict Anacreontique. Leur langage au demeurant, c’est vn langage doux, et qui a le son aggreable, retirant aux terminaisons Grecques.Trois d’entre eux, ignorans combien couttera vn iour à leur repos, et à leur bon heur, la cognoissance des corruptions de deçà, et que de ce commerce naistra leur ruine, comme ie présuppose qu’elle soit des-ia auancée (bien misérables de s’estre laissez pipper au désir de la nouuelleté, et auoir quitté la douceur de leur ciel, pour venir voir le nostre) furent à Roüan, du temps que le feu Roy Charles neufiesme y estoit : le Roy parla à eux long temps, on leur fit voir nostre façon, nostre pompe, la forme d’vne belle ville : après cela, quelqu’vn en demanda leur aduis, et voulut sçauoir d’eux, ce qu’ils y auoient trouué de plus admirable : ils respondirent trois choses, dont i’ay perdu la troisiesme, et en suis bien marry ; mais i’en ay encore deux en mémoire. Ils dirent qu’ils trouuoient en premier lieu fort estrange, que tant de grands hommes portans barbe, forts et armez, qui estoient autour du Roy (il est vray-semblable qu’ils parloient des Suisses de sa garde) se soubmissent à obeir à vn enfant, et qu’on ne choisissoit plustost