Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/520

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et quartelets de Roys : et ainsi d’autres pareilles introductions nouuelles et vitieuses : elles se verront incontinent esuanouyes et descriées. Ce sont erreurs superficielles, mais pourtant de mauuais prognostique : et sommes aduertis que le massif se désment, quand nous voyons fendiller l’enduict, et la crouste de nos parois.Platon en ses loix, n’estime peste au monde plus dommageable à sa cité, que de laisser prendre liberté à la ieunesse, de changer en accoustrements, en gestes, en danses, en exercices et en chansons, d’vne forme à vne autre : remuant son iugement, tantost en cette assiette, tantost en cette la : courant après les nouuelletez, honorant leurs inuenteurs : par où les mœurs se corrompent, et les anciennes institutions, viennent à desdein et à mesprix. En toutes choses, sauf simplement aux mauuaises, la mutation est à craindre : la mutation des saisons, des vents, des viures, des humeurs. Et nulles loix ne sont en leur vray crédit, que celles ausquelles Dieu a donné quelque ancienne durée : de mode, que personne ne sçache leur naissance, ny qu’elles ayent iamais esté autres.

CHAPITRE XLIIII.

Du dormir.


La raison nous ordonne bien d’aller tousiours mesme chemin, mais non toutesfois mesme train. Et ores que le sage ne doiue donner aux passions humaines, de se fouruoyer de la droicte carrière, il peut bien sans interest de son deuoir, leur quitter aussi, d’en haster ou retarder son pas, et ne se planter comme vn colosse immobile et impassible. Quand la vertu mesme seroit incarnée, ie croy que le poux luy battroit plus fort allant à l’assaut, qu’allant disner : voire il est nécessaire qai’elle s’eschauffe et s’esmeuue. À cette cause i’ay remarqué pour chose rare, de voir quelquefois les grands personnages, aux plus hautes entreprinses et importans af-