Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/530

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de ce quartier de Gascongne ; et à vne fille de la Royne, il fut luy mesme d’aduis de donner le nom gênerai de la race, par ce que celuy de la maison paternelle luy sembla trop diuers. Et Socrates estime digne du soing paternel, de donner vn beau nom aux enfants.Item, on dit que la fondation de nostre Dame la grand’ à Poitiers, prit origine de ce qu’vn ieune homme desbauché, logé en cet endroit., ayant recouuré vne garce, et luy ayant d arriuée demandé son nom, qui estoit Marie, se sentit si viuement espris de religion et de respect de ce nom sacrosainct de la Vierge mère de nostre Sauueur, que non seulement il la chassa soudain, mais en amanda tout le reste de sa vie : et qu’en considération de ce miracle, il fut basty en la place, où estoit la maison de ce ieune homme, vne chapelle au nom de nostre Dame, et depuis l’église que nous y voyons. Cette correction voyelle et auriculaire, deuotieuse, tira droit à l’ame : cette autre suiuante, de mesme genre, s’insinua par les sens corporels. Pythagoras estant en compagnie de ieunes hommes, lesquels il sentit complotter, eschauffez de la feste, d’aller violer vne maison pudique, commanda à la menestriere, de changer de ton : et par vne musique poisante, seuere, et spondaïque, enchanta tout doucement leur ardeur, et l’endormit.Item, ne dira pas la postérité, que nostre reformation d’auiourd’huy ait esté délicate et exacte, de n’auoir pas seulement combattu les erreurs, et les vices, et rempli le monde de deuolion, d’humilité, d’obeissance, de paix, et de toute espèce de vertu ; mais d’auoir passé iusques à combattre ces anciens noms de nos baptesmes, Charles, Loys, François, pour peupler le monde de Mathusalem, Ezechiel, Malachie, beaucoup mieux sentans de la foy ? Vn Gentil-homme mien voisin, estimant les commoditez du vieux temps au prix du notre, n’oublioit pas de mettre en compte, la fierté et magnificence des noms de la Noblesse de ce temps là, Dom Grumedan, Quedragan, Agesilan, et qu’à les ouïr seulement sonner, il se sentoit qu’ils auoyent esté bien autres gens, que Pierre, Guillot, et Michel.Item, ie sçay bon gré à lacques Amiot d’auoir laissé dans le cours d’vn’ oraison Françoise, les noms Latins tous entiers, sans les bigarrer et changer, pour leur donner vne cadence Françoise. Cela sembloit vn peu rude au commencement : mais des-ja l’vsage par le crédit de son Plutarque, nous en a osté toute l’estrangeté. I’ay souhaité sonnent, que ceux qui escriuent les histoires en Latin, nous laissassent nos noms tous tels qu’ils sont : car en faisant de Vaudemont, Vallemontanus, et les métamorphosant, pour les garber à la Grecque ou