Madame, permission d’en user. — Une armée, ce grand corps, cet être si versatile et si agité qui semble menacer ciel et terre : « Comme les flots innombrables qui roulent en mugissant sur la mer de Libye quand, au retour de l’hiver, le fougueux Orion se plonge dans les eaux, ou comme les épis pressés que dore le soleil d’été soit dans les champs de l’Hermus, soit dans la féconde Lycie, les boucliers résonnent et la terre tremble sous les pas des guerriers (Virgile) » ; ce monstre furieux qui a tant de bras et de si nombreuses têtes, c’est l’homme, toujours l’homme, faible, calamiteux, misérable, véritable fourmilière toujours agitée et surchauffée, « noir essaim qui marche dans la plaine (Virgile) », qu’un souffle de vent contraire, le croassement d’un vol de corbeaux, le faux pas d’un cheval, le passage fortuit d’un aigle, un songe, un mot, un signe, la brune du matin suffisent pour renverser et jeter à terre. Que le soleil le frappe de face, et le voilà évanoui et qui s’effondre ; que seulement le vent lui porte un peu de poussière dans les yeux comme aux abeilles du poète, voilà nos enseignes, nos légions, quand bien même le grand Pompée serait à leur tête, qui sont rompues et anéanties, car c’est contre lui, si je ne me trompe, qu’en Espagne, Sertorius fit avec succès usage de ces belles armes qu’avait employées Eumène contre Antigone et Surena contre Crassus. « Cette grande animosité, tous ces furieux combats, un peu de poussière en a raison (Virgile). » — Qu’on lâche même contre lui ces mouches à miel, leur force et leur courage en triomphent. Assez récemment, les Portugais assiégeaient la ville de Tamly, sur le territoire de Xiatine ; les habitants transportèrent sur leurs murailles un grand nombre de ruches qui constituent une de leurs richesses, et, produisant de la fumée, chassèrent les abeilles dans la direction de l’ennemi, auquel elles s’attachèrent si vivement que, ne pouvant résister à leurs attaques et à leurs piqûres, il abandonna ses projets ; ce secours d’un nouveau genre assura la victoire et la liberté aux assiégés qui réussirent au point que, lorsque l’action prit fin, pas une abeille ne fit défaut, toutes étaient revenues. — Les âmes des empereurs et celles des savetiers sortent du même moule. N’envisageant que l’importance des actions des princes et les conséquences qu’elles ont, nous nous imaginons qu’elles ont d’autres causes, et aussi sont de plus de poids et de plus d’importance ; c’est une erreur : ils vont et viennent mus par les mêmes ressorts qui nous font agir nous-mêmes. La même raison qui fait que nous nous querellons avec un voisin, amène la guerre chez les princes ; ce pour quoi nous faisons fouetter un laquais se produisant chez un roi, le conduit à ruiner une province ; leur volonté s’exerce aussi à la légère que la nôtre, mais ils peuvent davantage. Les mêmes appétits se retrouvent chez un ciron et chez un éléphant.
Fidélité, gratitude des animaux. — Sous le rapport de la fidélité, il n’est pas au monde d’animal plus traitre que l’homme. — Nombreux sont les faits que l’on cite, témoignant de l’acharnement de certains chiens à venger la mort de leurs maitres. — Le