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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 2.djvu/292

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descendu des Dieux, et auoir pour autheur commun de sa race, Neptune : il estoit tenu pour certain à Athenes, qu’Ariston ayant voulu iouïr de la belle Perictyone, n’auoit sçeu. Et fut aduerti en songe par le Dieu Apollo, de la laisser impollue et intacte, iusques à ce qu’elle fust accouchée. C’estoient les pere et mere de Platon. Combien y a il és histoires, de pareils cocuages, procurez par les Dieux, contre les pauures humains ? et des maris iniurieusement descriez en faueur des enfants ? En la religion de Mahomet, il se trouue par la croyance de ce peuple, assés de Merlins : assauoir enfants sans pere, spirituels, nays diuinement au ventre des pucelles : et portent vn nom, qui le signifie en leur langue.Il nous faut noler, qu’à chasque chose, il n’est rien plus cher, et plus estimable que son estre (le lyon, l’aigle, le daulphin, ne prisent rien au dessus de leur espece) et que chacune rapporte les qualitez de toutes autres choses à ses propres qualitez. Lesquelles nous pouuons bien estendre el racourcir, mais c’est tout ; car hors de ce rapport, et de ce principe, nostre imagination ne peut aller, ne peut rien diuiner autre, et est impossible qu’elle sorte de là, et qu’elle passe au delà. D’où naissent ces anciennes conclusions. De toutes les formes, la plus belle est celle de l’homme : Dieu donc est de cette forme. Nul ne peut estre heureux sans vertu : ny la vertu estre sans raison : et nulle raison loger ailleurs qu’en l’humaine figure Dieu est donc reuestu de l’humaine figure. Ita est informatum anticipatumque mentibus nostris, vt homini, quum de Deo cogitet, forma occurrat humana. Pourtant disoit plaisamment Xenophanes, que si les animaux se forgent des Dieux, comme il est vray-semblable qu’ils facent, ils les forgent certainement de mesme eux, et se glorifient, comme nous. Car pourquoy ne dira un oyson ainsi : Toutes les pieces de l’vniuers me regardent, la terre me sert à marcher, le soleil à m’esclaircr, les estoilles à m’inspirer leurs influances : i’ay telle commodité des vents, telle des eaux : il n’est rien que cette voute regarde si fauorablement que moy : ie suis le mignon de Nature ? Est-ce pas l’homme qui me traicte, qui me loge, qui me sert : C’est pour moy qu’il fait et semer et moudre : s’il me mange, aussi fait-il bien l’homme son compagnon ; et si fay-ie moy les vers qui le tuent, et qui le mangent. Autant en diroit une gruë ; et plus magnifiquement encore pour la liberté de son vol, et la possession de cette belle et haulte region. Tam blanda conciliatrix, et tam sui est lena ipsa natura.Or donc par ce