Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 2.djvu/566

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cicero (et que les grammairiens en ostent ce surnom, de familieres, s’ils veulent, car à la verité il n’y est pas fort à propos : et ceux qui au lieu de familieres y ont substitué ad familiares, peuuent tirer quelque argument pour eux, de ce que dit Suetone en la vie de Cæsar, qu’il y auoit vn volume de lettres de luy ad familiares) il y en a vne, qui s’adresse à Cæsar estant lors en la Gaule, en laquelle Cicero redit ces mots, qui estoyent sur la fin d’vn’autre lettre, que Cæsar luy auoit escrit : Quant à Marcus Furius, que tu m’as recommandé, ie le feray Roy de Gaule, et si tu veux, que l’aduance quelque autre de tes amis, enuoye le moy. Il n’estoit pas nouueau à vn simple citoyen Romain, comme estoit lors Cæsar, de disposer des Royaumes, car il osta bien au Roy Deiotarus le sien, pour le donner à vn Gentil-homme de la ville de Pergame nommé Mithridates. Et ceux qui escriuent sa vie enregistrent plusieurs Royaumes par luy vendus : et Suetone dit qu’il tira pour vn coup, du Roy Ptolomæus, trois millions six cens mill’escus, qui fut bien pres de luy vendre le sien.

Tot Galatæ, tot Pontus eat, tot Lydia nummis.

Marcus Antonius disoit que la grandeur du peuple Romain ne se montroit pas tant, par ce qu’il prenoit, que par ce qu’il donnoit. Si en auoit il quelque siecle auant Antonius, osté vn entre autres, d’authorité si merueilleuse, qu’en toute son histoire, ie ne sçache marque, qui porte plus haut le nom de son credit. Antiochus possedoit toute l’Ægypte, et estoit apres à conquerir Cypre, et autres demeurants de cet empire. Sur le progrez de ses victoires, C. Popilius arriua à luy de la part du Senat : et d’abordée, refusa de luy toucher à la main, qu’il n’eust premierement leu les lettres qu’il luy apportoit. Le Roy les ayant leuës, et dict, qu’il en delibereroit Popilius circonscrit la place où il estoit auec sa baguette, en luy disant : Ren moy responce, que ie puisse rapporter au Senat, auant que tu partes de ce cercle. Antiochus estonné de la rudesse d’vn si pressant commandement, apres y auoir vn peu songé : le feray, dit-il, ce que le Senat me commande. Lors le salüa Popilius, comme amy du peuple Romain. Auoir renoncé à vne si grande Monarchie, et cours d’vne si fortunée prosperité, par l’impression de trois traits d’escriture ! Il eut vrayement raison, comme il fit, d’enuoyer depuis dire au Senat par ses ambassadeurs, qu’il auoit receu leur ordonnance, de mesme respect, que si elle fust venue des Dieux immortels.Tous les Royaumes qu’Auguste gaigna par droict de guerre, il les rendit à ceux qui les auoyent perdus, ou en fit present à des estrangers. Et sur ce propos Tacitus parlant du Roy d’Angleterre Cogidumus, nous fait sentir par vn merueil-