cet vsage, de nous accompagner de seconds, et tiers, et quarts. C’estoit anciennement des duels, ce sont à cette heure rencontres, et batailles. La solitude faisoit peur aux premiers qui l’inuenterent : Quum in se cuique minimum fiduciæ esset. Car naturellement quelque compagnie que ce soit, apporte confort, et soulagement au danger. On se seruoit anciennement de personnes tierces, pour garder qu’il ne s’y fist desordre et desloyauté, et pour tesmoigner de la fortune du combat. Mais depuis qu’on a pris ce train, qu’ils s’engagent eux mesmes, quiconque y est conuié, ne peut honnestement s’y tenir comme spectateur, de peur qu’on ne luy attribue, que ce soit faute ou d’affection, ou de cœur. Outre l’iniustice d’vne telle action, et vilenie, d’engager à la protection de vostre honneur, autre valeur et force que la vostre, ie trouue du desaduantage à vn homme de bien, et qui pleinement se fie de soy, d’aller mesler la fortune, à celle d’vn second : chacun court assez de hazard pour soy, sans le courir encore pour vn autre : ct a assez à faire à s’asseurer en sa propre vertu, pour la deffence de sa vie, sans commettre chose si chere en mains tierces. Car s’il n’a esté expressement marchandé au contraire, des quatre, c’est vne partie liée. Si vostre second est à terre, vous en auez deux sus les bras, auec raison. Et de dire que c’est supercherie, elle l’est voirement : comme de charger bien armé, vn homme qui n’a qu’vn tronçon d’espée ; ou tout sain, vn homme qui est desia fort blessé. Mais si ce sont auantages, que vous avez gaigné en combatant, vous vous en pouuez seruir sans reproche. La disparité et inegalité ne se poise et considere, que de l’estat en quoy se commence la meslée du reste prenez vous en à la Fortune. Et quand vous en aurez tout seul, trois sur vous, vos deux compaignons s’estant laissez tuer, on ne vous fait non plus de tort, que ie ferois à la guerre, de donner vn coup d’espec à l’ennemy, que ie verrois attaché à l’vn des nostres, de pareil auantage. La nature de la societé porte, où il y a trouppe contre trouppe (comme où nostre Duc d’Orleans, deffia le Roy d’Angleterre Henry, cent contre cent, trois cents contre autant, comme les Argiens contre les Lacedemoniens : trois à trois, comme les Horatiens contre les Curiatiens) que la multitude de chasque part, n’est considerée que pour vn homme seul. Par tout où il y a compagnie, le hazard y est confus et meslé.I’ay interest domestique à ce discours. Car mon frere sieur de Matecoulom, fut conuié à Rome, à seconder vn Gentil-
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