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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/466

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peu plus d’vne fois en sa pompe. Vostre famille n’en laisse-elle pas en reglement, plus au dessoubs d’elle, qu’elle n’en a au dessus, en eminence ? Y a il quelque pensée locale, qui vous vlcere, extraordinaire, indigestible ?

Que le nunc coquat et vexet sub pectore fixa ?

Où cuidez-vous pouuoir estre sans empeschement et sans destourbier ? Nunquam simpliciter fortuna indulget. Voyez donc, qu’il n’y a que vous qui vous empeschez : et vous vous suiurez par tout, et vous plaindrez par tout. Car il n’y a satisfaction ça bas, que pour les ames ou brutales ou diuines. Qui n’a du contentement à vne si iuste occasion, où pense-il le trouuer ? À combien de milliers d’hommes, arreste vne telle condition que la vostre, le but de leurs souhaits ? Reformez vous seulement : car en cela vous pounez tout : là où vous n’aurez droict que de patience, enuers la fortune. Nulla placida quies est, nisi quam ratio composuit.Ie voy la raison de cet aduertissement, et la voy tresbien, Mais on auroit plustost faict, et plus pertinemment, de me dire en vn mot : Soyez sage. Cette resolution, est outre la sagesse : c’est son ouurage, et sa production. Ainsi fait le medecin, qui va criaillant apres vn pauure malade languissant, qu’il se resiouysse : il luy conseilleroit vn peu moins ineptement, s’il luy disoit : Soyez sain. Pour moy, ie ne suis qu’homme de la commune sorte. C’est vn precepte salutaire, certain, et d’aisee intelligence : Contentez vous du vostre : c’est à dire, de la raison l’execution pourtant, n’en est non plus aux plus sages, qu’en moy. C’est vne parole populaire, mais elle a vne terrible estendue. Que ne comprend elle ? Toutes choses tombent en discretion et modification. Ie scay bien qu’à le prendre à la lettre, ce plaisir de voyager, porte tesmoignage d’inquietude et d’irresolution, Aussi sont ce nos maistresses qualitez, et prædominantes. Ouy ; ie le confesse : ie ne vois rien seulement en songe, et par souhait, où ie me puisse tenir. La seule varieté me paye, et la possession de la diuersité : au moins si quelque chose me paye. À voyager, cela mesme me nourrit, que ie me puis arrester sans interest : et que l’ay où m’en dinertir commodément. l’ayme la vie priuee, par ce que c’est par mon choix que ie l’ayme, non par disconuenance à la vie publique : qui est à l’auanture, autant selon ma complexion. I’en sers plus gayement mon Prince, par ce que c’est par libre eslection de mon jugement, et de ma raison, sans obligation particuliere. Et que ie n’y suis pas reiecté, ny contrainet, pour estre irreceuable à tout