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Page:Montaigne - Essais, Musart, 1847.djvu/12

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NOTICE.

qu’en autant de mots latins que chacun en avait appris pour jargonner avec l’enfant. Aussi, dès l’âge de dix ans, Michel sut parfaitement la langue de Cicéron et de Virgile. Nous nous latinisâmes tant, dit-il lui-même, qu’il en regorgea jusqu’à nos villages tout autour, où il y a encore et ont pris pied plusieurs appellations latines d’artisans et d’outils.

Quant au grec, Montaigne l’étudia par art, mais sous forme d’ébats et d’exercices : Nous pelotions nos déclinaisons, dit-il, à la manière de ceux qui, par certains jeux de tablier (d’échiquier), apprennent l’arithmétique et la géométrie. On lui faisait aussi goûter la science et le devoir, sans forcer sa volonté, et on l’élevait avec tant de douceur, que, pour ne pas troubler son cerveau encore tendre, en l’arrachant trop brusquement au sommeil profond auquel les enfants sont sujets, son père le faisait éveiller au son d’un instrument.

Malgré le succès que tant de soins semblaient promettre, ce bon père, craignant de faillir en chose qu’il avait tant à cœur, finit par se ranger à la coutume, et envoya son fils, âgé d’un peu plus de six ans, au collège de Bordeaux, où le jeune élève passa d’emblée aux premières classes. Il y eut pour maître l’écossais Buchanam, un des meilleurs poètes latins modernes, et Marc-Antoine Muret, le premier de ces rhéteurs qu’on nommait ciceroniens.

Montaigne, tout en s’applaudissant d’avoir eu de tels