Page:Montaigne - Essais, Musart, 1847.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
141
CHAPITRE XVII.

CHAPITRE XVII.

de l’amitié.

Considérant la conduite de la besogne d’un peintre que j’ai, il m’a pris envie de l’ensuivre. Il choisit le plus bel endroit et milieu de chaque paroi pour y loger un tableau élabore de toute sa suffisance ; et le vide tout autour, il le remplit de grotesques, qui sont peintures fantasques, n’ayant grâce qu’en la variété et étrangeté. Que sont-ce aussi ici, à la vérité, que grotesques et corps monstrueux, rapiécés de divers membres, sans certaine figure, n’ayant ordre, suite, ni proportion que fortuite ?

Je vais bien jusqu’à ce second point avec mon peintre, mais je demeure court en l’autre et meilleure partie ; car ma suffisance ne va pas si avant que d’oser entreprendre un tableau riche, poli, et formé selon l’art. Je me suis avisé d’en emprunter un d’Étienne de La Boëtie, qui honorera tout le reste de cette besogne : c’est un discours auquel il donna nom la Servitude volontaire ; mais ceux qui l’ont ignoré l’ont bien proprement depuis rebaptisé le Contre un. Il l’écrivit par manière d’essai, en sa première jeunesse, à l’honneur de la liberté contre les tyrans. Il court pieça ès-mains des gens d’entendement, non sans bien grande et méritée recommandation ; car il est gentil et plein ce qu’il est possible. Si y a-t-il bien à dire, que ce ne soit le mieux qu’il pût faire : et si en l’âge que je l’ai connu plus avancé, il