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CHAPITRE XXVII.

l’amitié que vous avez montrée à vos enfants tient l’un des premiers rangs. Qui saura l’âge auquel M. d’Estissac, votre mari, vous laissa veuve, les grands et honorables partis qui vous ont été offerts autant qu’à dame de France de votre condition, la constance et fermeté de quoi vous avez soutenu, tant d’années, et au travers de tant d’épineuses difficultés, la charge et conduite de leurs affaires, qui vous ont agitée par tous les coins de France et vous tiennent encore assiégée, l’heureux acheminement que vous y avez donné par votre seule prudence ou bonne fortune ; il dira aisément, avec moi, que nous n’avons point d’exemple d’affection maternelle en notre temps plus exprès que le vôtre. Je loue Dieu, madame, qu’elle ait été si bien employée ; car les bonnes espérances que donne de soi M. d’Estissac, votre fils, assurent assez que, quand il sera en âge, vous en tirerez l’obéissance et reconnaissance d’un très-bon enfant. Mais d’autant qu’à cause de sa puérilité il n’a pu remarquer les extrêmes offices qu’il a reçus de vous en si grand nombre, je veux, si ces écrits viennent un jour à lui tomber en main, lorsque je n’aurai plus ni bouche ni parole qui le puisse dire, qu’il reçoive de moi ce témoignage en toute vérité, qui lui sera encore vivement témoigné par les bons effets de quoi, si Dieu plaît, il se ressentira, qu’il n’est gentilhomme en France qui doive plus à sa mère, qu’il fait ; et qu’il ne peut donner à l’avenir plus certaine preuve de sa bonté et de sa vertu qu’en vous reconnaissant pour telle.

S’il y a quelque loi vraiment naturelle, c’est-à-dire quelque instinct qui se voie universellement et perpétuellement empreint aux bêtes et en nous, je puis dire,