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Page:Montaigne - Essais, Musart, 1847.djvu/45

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CHAPITRE V.

tirent de cette pratique ; et n’est heure, disons-nous, où un chef doive avoir plus l’œil au guet, que celle des parlements et traités d’accord ; et, pour cette cause, c’est une règle, en la bouche de tous les hommes de guerre de notre temps, « qu’il ne faut jamais que le gouverneur en une place assiégée sorte lui-même pour parlementer. » Du temps de nos pères, cela fut reproché aux seigneurs de Montmort et de l’Assigni, défendant Mouson[1] contre le comte de Nassau. Mais aussi, à ce compte, celui-là serait excusable, qui sortirait en telle façon que la sûreté et l’avantage demeurât de son côté ; comme fit en la ville de Regge le comte Guy de Rangon, s’il en faut croire du Bellay, car Guicciardin dit que ce fut lui-même, lorsque le seigneur de l’Escut s’en approcha pour parlementer ; car il abandonna de si peu son fort, qu’un trouble s’étant ému pendant ce parlement, non-seulement M. de l’Escut et sa troupe, qui était approchée avec lui, se trouva le plus faible, de façon qu’Alexandre Trivulce y fut tué ; mais lui-même fut contraint, pour le plus sûr, de suivre le comte, et se jeter, sur sa foi, à l’abri des coups dans la ville.

Eumènes, en la ville de Nora, pressé par Antigonus, qui l’assiégeait, de sortir pour lui parler, alléguant que c’était raison qu’il vînt devers lui, attendu qu’il était le plus grand et plus fort, après avoir fait cette noble réponse : « Je n’estimerai jamais homme plus grand que moi tant que j’aurai mon épée en ma puissance, » n’y consentit qu’Antigonus ne lui eût donné Ptolemeus, son propre neveu, en otage, comme il demandait.

  1. Pont-à-Mousson.