Aller au contenu

Page:Montaigne - Essais, Musart, 1847.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
ESSAIS DE MONTAIGNE.

Falisques leur déloyal maître d’école. C’était les formes vraiment romaines, non de la grecque subtilité et astuce punique, où le vaincre par force est moins glorieux que par fraude. Le tromper peut servir pour le coup ; mais celui-là seul se lient pour surmonté, qui sait l’avoir été ni par ruse ni de sort, mais par vaillance, de troupe à troupe, en une franche et Juste guerre. Les Achaïens, dit Polybe, détestaient toute voie de tromperie en leurs guerres, n’estimant victoire sinon où les courages des ennemis sont abattus.

Au royaume de Ternate, parmi ces nations que si à pleine bouche nous appelons barbares, la coutume porte qu’ils n’entreprennent guerre sans l’avoir premièrement dénoncée, y ajoutant ample déclaration des moyens qu’ils ont à y employer, quels, combien d’hommes, quelles munitions, quelles armes offensives et défensives. Mais aussi, cela fait, si leurs ennemis ne cèdent et viennent à accord, ils se donnent loi de se servir à leur guerre, sans reproche, de tout ce qui aide à vaincre.

Les anciens Florentins étaient si éloignés de vouloir gagner avantage sur leurs ennemis par surprise, qu’ils les avertissaient un mois avant que de mettre leur exercite[1] aux champs, par le continuel son de la cloche qu’ils nommaient martinella[2].

Quant à nous, moins superstitieux, qui tenons celui-là avoir l’honneur de la guerre qui en a le profit, et qui, après Lysandre, disons que, « où la peau du lion ne peut suffire, il y faut coudre un lopin de celle du renard, » les plus ordinaires occasions de surprise se

  1. Leur armée.
  2. Du nom de saint Martin.