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CHAPITRE XIV.

ne l’a pas droite, et, par conséquent, voit le bien et ne le suit pas ; et Voit la science et ne s’en sert pas. La principale ordonnance de Platon en sa République^ c’est « donner à ses citoyens, selon leur nature, leur charge. » Nature petit tout et fait tout. Les boiteux sont mal propres aux exercices du corps ; et aux exercices de l’esprit, les âmes boiteuses, les bâtardes et vulgaires sont indignes de la philosophie. Quand nous voyons un homme mal chaussé^ nous disons que ce n’est pas merveille s’il est chaussetier ; de même il semble que l’expérience nous offre souvent un médecin plus mal médeciné, un théologien moins reformé, et coutumièrement un savant moins suffisant que tout autre.

En cette belle institution que Xénophon prête aux Perses, nous trouvons qu’ils apprenaient la vertu à leurs enfants, comme les autres nations font les lettres. Platon dit que le fils aîné, en leur succession royale, était ainsi nourri ; après sa naissance, on le donnait, non à des femmes, mate â des eunuques de la première autorité autour des rois, à cause de leur vertu. Ceux-ci prenaient charge de Itti rendre le corps beat ! et sain, et, après sept ans, le duisaient à monter à cheval et aller à la chasse. Quand il était arrivé an quatorzième, ils le déposaient entre les mains de quatre ; le plus sage, le plus juste, le plus tempérant, le plus vaillant de la nation : le premier lui apprenait la religion ; le second, à être toujours véritable ; le tiers, à se rendre maître des cupidités ; le quart, à ne rien craindre.

C’est chose digne de très-grande considération que, en cette excellente police de Lycurgue, et à la vérité monstrueuse par sa perfection, si soigneuse pourtant de la nourriture des enfants comme de sa principale charge,