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Discours

tout n’aſſujettit jamais ſes idées à l’expreſſion ; il paroît ne ſe ſervir du langage que comme d’un vêtement néceſſaire pour habiller ſes conceptions, & pour les produire au dehors. L’expreſſion la plus commode, ou celle qui ſe préſentoit le plus promptement, étoit toujours employée ; il ne cherchoit plus autre choſe. Il falloit que la langue ſe pliât ſous ſa plume, qu’elle prît à ſon gré toutes les formes que ſes idées y imprimoient. Mais la richeſſe & la chaleur de ſon imagination ſuppléant à tous les beſoins du Boute-dehors (c’eſt ainſi qu’il appelloit le langage), y attachoient des formes heureuſes & un coloris qui lui prêtoient un nerf, une hardieſſe, dont on n’auroit pas cru