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Page:Montblanc - Le Japon, ses institutions, ses produits, ses relations avec l'Europe, 1867.pdf/33

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des rapports directs avec les producteurs. Nous aboutissons donc encore à la même conclusion, à cette liberté qui met en présence les individus et qui leur permet ainsi de chercher des amis, des producteurs ou des consommateurs, suivant l’exigence des besoins réciproques. C’est la liberté de ces rapports directs que réclament notre commerce de la soie, les besoins croissants de débouchés pour les produits de notre industrie et la nécessité de réagir contre l’absorption monétaire de l’Europe par l’extrême Orient.

La question s’élargit encore quand on considère les nombreux éléments de richesse que renferme la terre japonaise. La soie, le coton, le thé, l’or, le cuivre, l’argent et l’étain peuvent abondamment fournir à l’exportation. Par contre, les Japonais ont besoin de nos produits, de notre travail, de nos machines industrielles. Le plus grand nombre de leurs objets de consommation sont obtenus par eux à un prix supérieur à la somme totale représentée par l’envoi de leurs matières premières en Europe, la main-d’œuvre européenne, le retour au Japon, et par les frais et bénéfices auxquels donnerait lieu ce mouvement.

Il y a donc, dans ces circonstances économiques, une situation des plus intéressantes pour l’avantage réciproque du Japon et de l’Occident. Les Japonais ont besoin de notre travail, car, seuls, ils ne pourraient parvenir à un résultat aussi prompt que celui qui leur est facilité par la présence de l’expérience européenne. Les progrès de notre civilisation représentent des siècles de tâtonnements et d’études. Nous leur apportons le progrès réalisé, l’avantage est donc réciproque. Pour que ce double intérêt puisse passer de la théorie dans la pratique, il faut, avant tout, posséder la liberté des relations : or cette liberté nous est offerte par les Japonais ; aucune barrière ne nous arrête, si ce n’est l’indolence des gouvernements de l’Europe à continuer l’œuvre commencée au Japon en 1854. Sous prétexte de ne pas compliquer la question, l’administration reste dans ce premier sillon tracé, au grand détriment du commerce, de l’industrie et des rapports sociaux des peuples entre eux.

Pour profiter de la disposition intelligente des Japonais, nous avons à suivre une route bien facile, c’est de rechercher simplement vis-à-vis d’eux notre intérêt industriel et commercial ; dans cette voie, les Japonais savent qu’ils auront plus à profiter que nous-mêmes. Aussi sont-ils prêts à nous recevoir partout, dès qu’ils seront persuadés que nous n’avons pas d’autre intérêt. En définitive, aucun autre but ne peut nous solliciter. Il ne nous serait pas utile d’affaiblir ce pays pour le livrer à la Russie. Nous ne pouvons y désirer une conquête violente, qui nous apporterait plus de pertes que de