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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

le Héros, malgré la précaution d’avoir allumé la nuit nos feux. Dieu veuille que nous nous retrouvions tous à Québec ! Le fâcheux de notre aventure est que nous nous sommes trouvés sur les dix heures du matin sur les abords du Grand-Banc sans avoir pu ni sonder, ni prendre hauteur ce qui nous fait craindre de trouver trop tôt terre et d’y échouer par défaut de connoissance. Dans cette perplexité, nous n’avons que deux partis à prendre, ou celui de mettre à la cape, ou celui de nous dévier entièrement de notre route en changeant de bord, pour fuir devant la lame et gagner vers le sud, route qui nous mèneroit à la Martinique. M. de la Rigaudière, occupé du désir de remplir sa mission, auroit incliné pour l’avis de mettre à la cape mais on lui a démontré l’impossibilité d’y résister, le danger même, en ne faisant que l’essayer, de recevoir quelque avarie irréparable ; et enfin, sur le midi, après l’avis unanime de tous les officiers, le sieur Pelegrin et si j’ose y ajouter le mien, nous nous sommes déterminés à gagner vers le sud et à continuer cette navigation avec quelque danger de moins. Sur les quatre heures, nous avons vu un gros vaisseau de guerre venant des Îles, allant en Europe sous le vent à nous, nous l’avons jugé un vaisseau de soixante canons et anglois, à moins que ce ne fût le Prudent, vaisseau commandé par M. d’Aubigny, parti pour la Martinique dès le mois de février dernier ; mais, quel qu’il fût, ce vaisseau par un pareil temps, aussi embarrassé que nous, n’avoit pas envie de nous venir chercher querelle, et malgré sa supériorité en force il l’eût entrepris avec désavantage. Nous avons une vingtaine de malades ; nous avons perdu un matelot ; Dieu