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HISTOIRE DU CÉLÈBRE PÉPÉ

Quant à Pépé, lui, il était on ne sait comme. Ce qu’il éprouvait au juste, il était loin de s’en rendre compte ; c’était de l’émerveillement. Lui qui n’avait dans ses courts souvenirs de trace lumineuse que son séjour à Trouville ; lui qui se savait un pauvre petit perdu ramassé dans la neige ; lui qui ne s’était vu qu’en blouse ou en grosse veste, la plupart du temps avec des sabots, dans les prés de la vallée d’Auge ; lui qui avait passé sa dernière nuit sous un ciel pluvieux dans un grand tuyau, il se voyait dans un costume brillant, se sentant chaud de la chaleur lourde des salles de spectacle et des lumières, au milieu d’une assemblée nombreuse dont tous les membres avaient les yeux sur lui. C’était comme si on l’eût fait passer d’une chambre obscure au grand soleil du mois de juin. Les applaudissements qu’il entendit éclater de toutes parts à son arrivée sur la piste, en ébranlant ses oreilles, achevèrent de le troubler et de lui faire voir la vie où le hasard le jetait à travers une sorte de prisme donnant les couleurs de l’arc-en-ciel.

Ce n’était pas que le pauvre petit Pépé pensât que ces applaudissements s’adressassent à lui ; il n’en pensait pas si long et ne connaissait point l’orgueil. Il était dans l’extase. Il aurait eu tort d’ailleurs de sentir l’orgueil aussi vite et de prendre pour lui ce qui s’adressait au chien.

Moutonnet était connu, Moutonnet avait sa part de célébrité dans le cirque Alcindor. Comme l’illustre Barbasson, il ne comptait que des amis dans la salle. Son entrée provoquait toujours de grands battements de mains et les enfants déliraient de joie. Lorsque Mlle Margarita arrivait après le chien, sa cravache à la main, si on l’applaudissait, c’était moins pour