Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
23
LIVRE XXXI, CHAP. VII.


et aux héritiers [1] : et, comme les formules sont les images des actions ordinaires de la vie, elles prouvent que, sur la fin de la première race, une partie des fiefs passoit déjà aux héritiers. Il s’en falloit bien que l'on eût, dans ce temps-là, l'idée d’un Domaine inaliénable [2] ; c’est une chose très-moderne, et qu’on ne connoissoit alors ni dans la théorie, ni dans la pratique.

On verra bientôt sur cela des preuves de fait : et, si je montre un temps où il ne se trouva plus de bénéfices pour l’armée, ni aucun fonds pour son entretien, il faudra bien convenir que les anciens bénéfices avoient été aliénés. Ce temps est celui de Charles Martel, qui fonda de nouveaux fiefs, qu’il faut bien distinguer des premiers.

Lorsque les rois commencèrent à donner pour toujours, soit par la corruption qui se glissa dans le gouvernement, soit par la constitution même qui faisoit que les rois étoient obligés de récompenser sans cesse, il étoit naturel qu’ils commençassent plutôt à donner à perpétuité les fiefs, que les comtés. Se priver de quelques terres étoit peu de chose ; renoncer aux grands offices, c’étoit perdre la puissance même.

  1. Voyez la formule XIV du liv. I, qui s’applique également à des biens fiscaux donnés directement pour toujours, ou donnés d’abord en bénéfice, et ensuite pour toujours : Sicut ab illo, aut a fisco nostro, fuit possessa. Voyez aussi la formule XVII, ibid. (M.)
  2. L’inaliénabilité du domaine de la couronne est devenue sous la troisième race une loi fondamentale du royaume. Le principe subsiste encore aujourd’hui.
    ____________