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CHAPITRE XIX.


CONTINUATION DU MÊME SUJET.


Charlemagne et ses premiers successeurs [1] craignirent que ceux qu’ils placeroient dans des lieux éloignés ne fussent portés à la révolte ; ils crurent qu’ils trouveroient plus de docilité dans les ecclésiastiques : ainsi ils érigèrent en Allemagne un grand nombre d’évêchés [2], et y joignirent de grands fiefs. Il paroît, par quelques Chartres, que les clauses qui contenoient les prérogatives de ces fiefs n’étoient pas différentes de celles qu’on mettoit ordinairement dans ces concessions [3], quoiqu’on voie aujourd’hui les principaux ecclésiastiques d’Allemagne revêtus de la puissance souveraine. Quoi qu’il en soit, c’étoient des pièces qu’ils mettoient en avant contre les Saxons. Ce qu’ils ne pouvoient attendre de l’indolence ou des négligences d’un leude, ils crurent qu’ils dévoient l’attendre du zèle et de l’attention agissante d’un évêque : outre qu’un tel vassal, bien loin de se servir contre eux des peuples assujettis, auroit au contraire besoin d’eux pour se soutenir contre ses peuples [4].

  1. A. B. Charlemagne craignit que ceux qu’il placeroit dans des lieux éloignés, etc. ; il érigea... et y joignit, etc. ; il crut, etc.
  2. Voyez entre autres la fondation de l’archevêché de Brème, dans le capitulaire de 789, edit. de Baluze, p. 245. (M.)
  3. Par exemple, la défense aux juges royaux d’entrer dans le territoire pour exiger les freda et autres droits. J’en ai beaucoup parlé au livre précédent ch. XX, XXI et XXII. (M.)
  4. Dans A. B. il n'est question que de Charlemagne : Ce qu'il ne pouvoit..... il crut..... contre lui, etc.