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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/67

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LIVRE XXXI, CHAP. XVII.


l’exécution, personne n’eut à un plus haut degré l’art de faire les plus grandes choses avec facilité, et les difficiles avec promptitude. Il parcouroit sans cesse son vaste empire, portant la main partout où il alloit tomber. Les affaires renaissoient de toutes parts, il les finissoit de toutes parts. Jamais prince ne sut mieux braver les dangers ; jamais prince ne les sut mieux éviter. Il se joua de tous les périls, et particulièrement de ceux qu’éprouvent presque toujours les grands conquérants : je veux dire les conspirations. Ce prince prodigieux étoit extrêmement modéré ; son caractère étoit doux, ses manières simples ; il aimoit à vivre avec les gens de sa cour. Il fut peut-être trop sensible au plaisir des femmes ; mais un prince qui gouverna toujours par lui-même, et qui passa sa vie dans les travaux, peut mériter plus d’excuses. Il mit une règle admirable dans sa dépense : il fit valoir ses domaines avec sagesse, avec attention, avec économie ; un père de famille pourrait apprendre [1] dans ses lois à gouverner sa maison. On voit dans ses Capitulaires la source pure et sacrée d’où il tira ses richesses. Je ne dirai plus qu’un mot : il ordonnoit qu’on vendit les œufs des basses-cours de ses domaines, et les herbes inutiles de ses jardins [2] ; et il avoit distribué à ses peuples toutes les richesses des Lombards, et les immenses trésors de ces Huns qui avoient dépouillé l’univers.

  1. Voyez le capitulaire de Villis, de l'an 800 ; son capitulaire II de l’an 813, art. 6 et 10 ; et le liv. V des Capitulaires, art. 303. (M.)
  2. Capitulaire de Villis, art 30. Voyez tout ce capitulaire qui est un chef-d’œuvre de prudence, de bonne administration et d’économie. (M.)
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