LETTRE LXXIII.
J’ai ouï parler d’une espèce de tribunal qu’on appelle l’Académie française. Il n’y en a point de moins respecté dans le monde ; car on dit qu’aussitôt qu’il a décidé, le peuple casse ses arrêts, et lui impose des lois qu’il est obligé de suivre.
Il y a quelque temps que pour fixer son autorité il donna un code de ses jugements. [1] Cet enfant de tant de pères était presque vieux quand il naquit ; et, quoiqu’il fût légitime, un bâtard, [2] qui avait déjà paru, l’avait presque étouffé dans sa naissance.
Ceux qui le composent n’ont d’autre fonction que de jaser sans cesse : l’éloge va se placer, comme de lui-même, dans leur babil éternel ; et sitôt qu’ils sont initiés dans ses mystères, la fureur du panégyrique vient les saisir et ne les quitte plus.
Ce corps a quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores et d’antithèses. Tant de bouches ne parlent