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LETTRES PERSANES.





LETTRE CLIX.


SOLIM A USBEK.


A PARIS.



Je me plains, magnifique seigneur, et je te plains : jamais serviteur fidèle n’est descendu dans l’affreux désespoir où je suis. Voici tes malheurs et les miens ; je ne t’en écris qu’en tremblant.

Je jure, par tous les prophètes du ciel, que, depuis que tu m’as confié tes femmes, j’ai veillé nuit et jour sur elles ; que je n’ai jamais suspendu un moment le cours de mes inquiétudes. J’ai commencé mon ministère par les châtiments, et je les ai suspendus sans sortir de mon austérité naturelle.

Mais, que dis-je ? Pourquoi te vanter ici une fidélité qui t’a été inutile ? Oublie tous mes services passés : regarde-moi comme un traître, et punis-moi de tous les crimes que je n’ai pu empêcher.

Roxane, la superbe Roxane, ô ciel ! à qui se fier désormais ? Tu soupçonnais Zélis, [1] et tu avais pour Roxane une sécurité entière ; mais sa vertu farouche était une cruelle imposture : c’était le voile de sa perfidie. Je l’ai surprise dans les bras d’un jeune homme qui, dès qu’il s’est vu

  1. A. Tu soupçonnois Zachi, etc.