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LE TEMPLE DE GNIDE.


Peut-être je verrai Lycas près de Camille,
Dit Aristée : ô dieu ! sur ce cœur inconstant
S’il pouvait obtenir un triomphe facile !
Peut-être avec plaisir la perfide l’entend.

Tyrcis, dis-je à mon tour, a brûlé pour Thémire :
On dit qu’il est à Gnide, et j’en frémis d’effroi.
Sans doute il l’aime encore ! il faudra me réduire
A disputer un cœur que j’ai cru tout à moi.

Lycas pour ma Camille avait fait un air tendre :
Insensé ! j’aurais dû l’interrompre cent fois !
J’applaudissais, hélas ! aux accents de sa voix :
Il chantait mon amante, et j’aimais à l’entendre.

Thémire, devant moi, se parait un matin
D’un bouquet que Tyrcis avait cueilli pour elle :
C’est un don de Tyrcis, me disait l’infidèle !...
Je devais, à ce mot, l’arracher de son sein.

Un jour, Camille et moi (quel funeste présage !)
Nous allions à Vénus offrir deux tourtereaux ;
Camille de ses mains vit s’enfuir ces oiseaux...
Vénus ne voulait point de son perfide gage !

Sur l’écorce des bois, nos noms par moi tracés
Attestaient mon amour et celui de Thémire :
Je me plaisais sans cesse à les lire et relire ;
Un matin... ô douleur ! je les vis effacés.

D’un cœur infortuné n’aggrave point la chaîne,
Camille ! épargne-moi l’horreur de me venger.
L’amour devient fureur quand on l’ose outrager :
L’amour qu’on désespère a le fiel de la haine.

Hâtons-nous, et malheur à tout audacieux
Que je verrai parler à l’ingrate que j’aime !
Quiconque sur tes yeux arrêtera les yeux,
Mon bras l’immole au temple... aux pieds de Vénus même,