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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/127

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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.


inexorable, on y reconnaît que la liberté, avec ses dures conditions, est la loi de la vie humaine. Un peuple qui s’abandonne à un maître ne trouve même pas dans cet abandon le repos qu’envie sa lâcheté. Grandir par la vertu ou tomber et mourir par la honte, c’est la morale des Considérations ; c’est par là que ce livre est une lecture fortifiante. Il a gardé quelque chose de l’esprit stoïque si cher à Montesquieu.

Il nous reste à dire quelques mots des premières éditions et des principaux commentateurs des Considérations.

De 1734 à 1746 il y a eu six éditions, dans lesquelles on n’a pas changé sensiblement le texte ; mais en 1748, Montesquieu a publié à Paris une nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée[1] L’approbation, datée de Versailles le 12 août 1747, est donnée par M. de Moncrif, qui déclare que dans les augmentations il n’a rien trouvé qui ne soit digne du livre et de l’auteur. C’est la première édition qui contienne une table de matières ; c’est le texte reproduit, sauf quelques changements insignifiants, par l’édition de 1758 ; c’est celui que nous donnons, en y joignant les variantes des premières éditions.

Le premier qui commenta les Considérations fut, suivant toute apparence, le roi de Prusse Frédéric II. En lisant l’édition de 1734, il l’avait annotée pour son usage personnel. Ces notes, qu’on suppose écrites en 1748, étaient à la marge d’un exemplaire que Napoléon trouva dans la bibliothèque de Sans-Souci et qu’il emporta sans scrupule. A corsaire, corsaire et demi. Ce volume, déposé dans la bibliothèque de l’empereur, fut emprunté par M. de Talleyrand, qui oublia de le rendre[2]. On en a dernièrement retrouvé une copie qu’on va donner au public.

Ces notes sont plus curieuses pour nous faire connaître Fré-

  1. Cette édition porte en tête un frontispice d’Eisen, qui représente une divinité (Rome, suivant toute apparence), assise sur son trône, et ayant à ses pieds, à gauche des couronnes et des armes semées à terre ; à droite un lion couché. Mon exemplaire porte comme noms d’imprimeur : « A Paris, rue Saint-Jacques, chez Huart et Moreau fils, libraires de la Reine, et libraires-imprimeurs de Monseigneur le Dauphin, A la Justice et au grand saint Basile. M DCC XLVIII, in-12. »
    Il y a d'autres exemplaires qui portent le nom des libraires Guillyn, David l'ainé et Durand, auquels Huart avait cédé les deux tiers de son privilège.
  2. Souvenirs historiques du baron de Menneval, secrétaire de l’empereur, t. III, p. 160.