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GRANDEUR ET DÉCADENCE

La grandeur de Pyrrhus ne consistait que dans ses qualités personnelles[1]. Plutarque nous dit qu’il fut obligé de faire la guerre de Macédoine parce qu’il ne pouvait entretenir six mille hommes de pied[2] et cinq cents chevaux qu’il avait[3]. Ce prince, maître d’un petit État dont on n’a plus entendu parler après lui, était un aventurier qui faisait des entreprises continuelles parce qu’il ne pouvait subsister qu’en entreprenant.

Tarente, son alliée, avait bien dégénéré de l’institution des Lacédémoniens, ses ancêtres[4]. Il aurait pu faire de grandes choses avec les Samnites ; mais les Romains les avaient presque détruits[5].

Carthage, devenue riche plus tôt que Rome, avait aussi été plus tôt corrompue : ainsi, pendant qu’à Rome les emplois publics ne s’obtenaient que par la vertu et ne donnaient d’utilité que l’honneur et une préférence aux fatigues, tout ce que le public peut donner aux particuliers se vendait à Carthage, et tout service rendu par les particuliers y était payé par le public[6].

    dans les différents temps de la République, ch. VI. « La guerre de Pyrrhus ouvrit l’esprit aux Romains : avec un ennemi qui avait tant d’expérience, ils devinrent plus industrieux et plus éclairés qu’ils n’étaient auparavant. Ils trouvèrent le moyen de se garantir des éléphants, qui avaient mis le désordre dans les légions au premier combat ; ils évitèrent les plaines, et cherchèrent des lieux avantageux contre une cavalerie qu’ils avaient méprisée mal à propos. Ils apprirent ensuite à former leur camp sur celui de Pyrrhus, après avoir admiré l’ordre et la distinction de ses troupes, tandis que chez eux tout était en confusion. »

  1. Vie de Pyrrhus, (M.)
  2. A. Six mille hommes de pied.
  3. Voyez un fragment du livre premier de Dion, dans l’Extrait des vertus et des vices. (M.)
  4. Justin, liv. XX, ch. I. (M.) C’est le défaut de Montesquieu de voir des Lacédémoniens partout. (V. sup., ch. I.)
  5. Ce paragraphe manque dans A.
  6. Bossuet, l. c. « Les richesses mènent naturellement une république