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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/155

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DES ROMAINS, CHAP. IV.

La tyrannie d’un prince ne met pas un État plus près de sa ruine que l’indifférence pour le bien commun n’y met une république. L’avantage d’un État libre est que les revenus y sont mieux administrés. Mais lorsqu’ils le sont plus mal ? L’avantage d’un État libre est qu’il n’y a point de favoris. Mais, quand cela n’est pas, et qu’au lieu des amis et des parents du prince il faut faire la fortune des amis et des parents de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu ; les lois sont éludées plus dangereusement qu’elles ne sont violées par un prince, qui, étant toujours le plus grand citoyen de l’État, a le plus d’intérêt à sa conservation.

Des anciennes mœurs, un certain usage [1] de la pauvreté, rendaient à Rome les fortunes à peu près égales ; mais, à Carthage, des particuliers avaient les richesses des rois.

De deux factions qui régnaient à Carthage, l’une voulait toujours la paix, et l’autre, toujours la guerre ; de façon qu’il était impossible d’y jouir de l’une, ni d’y bien faire l’autre.

Pendant qu’à Rome la guerre réunissait d’abord tous les intérêts, elle les séparait encore plus à Carthage[2].

Dans les États gouvernés par un prince, les divisions

    marchande (à la ruine) ; on veut jouir de ses biens, et on croit tout trouver dans son argent. »

  1. Une certaine habitude.
  2. La présence d’Annibal fit cesser parmi les Romains toutes les divisions ; mais la présence de Scipion aigrit celles qui étaient déjà parmi les Carthaginois ; elle ôta au gouvernement tout ce qui lui restait de force ; les généraux, le sénat, les grands devinrent plus suspects au peuple, et le peuple devint plus furieux. Voyez dans Appien toute cette guerre du premier Scipion. (M.)
    (*) A. Elle lia les forces de la ville. Les généraux, le sénat, les grands, devinrent plus suspects au peuple, etc.