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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/157

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DES ROMAINS, CHAP. IV.


si elle ne commandait pas, il n’y avait point d’espérance ni de crainte qui pût l’obliger à faire une paix qu’elle n’aurait point imposée.

Il n’y a rien de si puissant qu’une république où l’on observe les lois, non pas par crainte, non pas par raison, mais par passion, comme furent Rome et Lacédémone : car, pour lors, il se joint à la sagesse d’un bon gouvernement toute la force que pourrait avoir une faction.

Les Carthaginois se servaient de troupes étrangères, et les Romains employaient les leurs. Comme ces derniers n’avaient jamais regardé les vaincus que comme des instruments pour des triomphes futurs, ils rendirent soldats tous les peuples qu’ils avaient soumis[1], et plus ils eurent de peine à les vaincre, plus ils les jugèrent propres à être incorporés dans leur république[2]. Ainsi nous voyons les Samnites, qui ne furent subjugués qu’après vingt-quatre triomphes[3], devenir les auxiliaires des Romains, et, quelque temps avant la seconde guerre punique, ils tirèrent d’eux et de leurs alliés, c’est-à-dire d’un pays qui n’était guère plus grand que les États du Pape et de Naples, sept cent mille hommes de pied et soixante et dix mille de cheval, pour opposer aux Gaulois[4].

Dans le fort de la seconde guerre punique, Rome eut toujours sur pied de vingt-deux à vingt-quatre légions ; cependant il paraît, par Tite-Live, que le cens n’était

  1. A. Ils avoient rendu soldats tous les peuples, etc.
  2. Saint-Evremond, Réflexions, etc., chap. VI. : « Carthage étant établie sur le commerce, et Rome fondée sur les armes, la première employait des étrangers pour ses guerres, et les citoyens pour son trafic ; l’autre se faisait des citoyens de tout le monde, et de ses citoyens des soldats. »
  3. Florus, liv. I, ch. XVI. (M.)
  4. Voyez Polybe. Le sommaire de Florus dit qu’ils levèrent trois cent mille hommes dans la ville et chez les Latins. (M.)