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GRANDEUR ET DÉCADENCE

Mais surtout leur maxime constante fut de diviser[1]. La république d’Achaïe était formée par une association de villes libres ; le Sénat déclara que chaque ville se gouvernerait dorénavant par ses propres lois, sans dépendre d’une autorité commune.

La république des Béotiens était pareillement une ligue de plusieurs villes. Mais, comme, dans la guerre contre Persée, les unes suivirent le parti de ce prince, les autres, celui des Romains, ceux-ci les reçurent en grâce moyennant la dissolution de l’alliance commune[2].

Si un grand prince qui a régné de nos jours[3] avait suivi ces maximes, lorsqu’il vit un de ses voisins détrôné [4], il aurait employé de plus grandes forces pour le soutenir et le borner dans l’île qui lui resta fidèle[5] : en divisant la seule puissance qui pût s’opposer à ses desseins, il aurait tiré d’immenses avantages du malheur même de son allié.

Lorsqu’il y avait quelques disputes dans un État, ils jugeaient d’abord l’affaire, et, par là, ils étaient sûrs de n’avoir contre eux que la partie qu’ils avaient condamnée. Si c’était des princes du même sang qui se disputaient la couronne[6], ils les déclaraient quelquefois tous deux rois[7] ;

  1. A. Lorsque quelque État formoit un corps trop redoutable par sa situation, ou par son union, ils ne manquoient jamais de le diviser.
  2. A. ajoute : La Macédoine était entourée de montagnes inaccessibles ; le sénat la partagea en quatre parties, les déclara libres, défendit toutes sortes de liaisons entre elles, même par mariage, fit transporter les nobles en Italie, et par là réduisit à rien cette puissance. (Édition de 1734).
  3. Louis XIV.
  4. Jacques II.
  5. L'Irlande.
  6. Comme il arriva à Ariarathe et Holopherne, en Cappadoce, Appien, in Syriac., c. 47 (M.)
  7. A. ajoute : Et anéantissement par là le pouvoir de l'un et de l'autre.