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DES ROMAINS, CHAP. VI.


si l’un d’eux était en bas âge[1], ils décidaient en sa faveur[2], et ils en prenaient la tutelle, comme protecteurs de l’univers. Car ils avaient porté les choses au point que les peuples et les rois étaient leurs sujets sans savoir précisément par quel titre, étant établi que c’était assez d’avoir ouï parler d’eux pour devoir leur être soumis.

Ils ne faisaient jamais de guerres éloignées sans s’être procuré quelque allié auprès de l’ennemi qu’ils attaquaient, qui pût joindre ses troupes à l’armée qu’ils envoyaient, et, comme elle n’était jamais considérable par le nombre, ils observaient toujours d’en[3] tenir une autre dans la province la plus voisine de l’ennemi et une troisième dans Rome, toujours prête à marcher. Ainsi ils n’exposaient[4] qu’une très petite partie de leurs forces, pendant que leur ennemi mettait au hasard toutes les siennes[5].

Quelquefois ils abusaient de la subtilité des termes de leur langue : ils détruisirent Carthage, disant qu’ils avaient promis de conserver la cité, et non pas la ville[6]. On sait comment les Étoliens, qui s’étaient abandonnés à leur foi, furent trompés : les Romains prétendirent que la signification de ces mots : s’abandonner à la foi d’un ennemi, emportait la perte de toutes sortes de choses,

  1. Pour pouvoir ruiner la Syrie en qualité de tuteurs, ils se déclarèrent pour le fils d’Antiochus, encore enfant, contre Démétrius, qui était chez eux en otage, et qui les conjurait de lui rendre justice, disant que Rome était sa mère, et les sénateurs ses pères. (M.)
  2. A. Si l'un d'eux étoit en bas âge, ils se déclaroient pour lui et en prenoient la tutelle, etc.
  3. C’était une pratique constante, comme on peut voir par l’histoire. (M.)
  4. A. Ils n'exposaient jamais, etc.
  5. Voyez comme ils se conduisirent dans la guerre de Macédoine. (M.)
  6. C'est-à-dire les habitants et non pas les édifices.