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GRANDEUR ET DÉCADENCE


times ou le vol des oiseaux, abolies avec le paganisme. Des promesses vaines furent le motif de la plupart des entreprises téméraires des particuliers, comme elles devinrent la sagesse du conseil des princes.

Les malheurs de l’Empire croissant tous les jours, on fut naturellement porté à attribuer les mauvais succès dans la guerre et les traités honteux dans la paix à la mauvaise conduite de ceux qui gouvernaient.

Les révolutions mêmes firent les révolutions, et l’effet devint lui-même la cause. Comme les Grecs avaient vu passer successivement tant de diverses familles sur le trône, ils n’étaient attachés à aucune, et, la Fortune ayant pris des empereurs dans toutes les conditions, il n’y avait pas de naissance assez basse, ni de mérite si mince qui pût ôter l’espérance.

Plusieurs exemples reçus dans la Nation en formèrent l’esprit général et firent les mœurs, qui règnent aussi impérieusement que les lois.

Il semble que les grandes entreprises soient parmi nous plus difficiles à mener que chez les Anciens. On ne peut guère les cacher[1], parce que la communication est telle aujourd’hui entre les nations que chaque prince a des ministres dans toutes les cours et peut avoir des traîtres dans tous les cabinets.

L’invention des postes fait que les nouvelles volent [2] et arrivent de toutes parts.

Comme les grandes entreprises ne peuvent se faire sans argent, et que, depuis l’invention des lettres de change, les négociants en sont les maîtres, leurs affaires

  1. Il est difficile de les cacher.
  2. A. Voient pour ainsi dire.