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DANS LA RELIGION.


bonnes raisons qu’ils péchèrent contre la raison même[1]. Si ce culte avait été plus raisonnable, les gens d’esprit en auraient été la dupe aussi bien que le peuple, et par là on aurait perdu tout l’avantage qu’on en pouvait attendre : il fallait donc des cérémonies qui pussent entretenir la superstition des uns, et entrer dans la politique des autres[2] : c’est ce qui se trouvait dans les divinations. On y mettait les arrêts du ciel dans la bouche des principaux sénateurs, gens éclairés, et qui connaissaient également le ridicule et l’utilité des divinations.

Cicéron dit[3] que Fabius, étant augure, tenait pour règle que ce qui était avantageux à la république se faisait toujours sous de bons auspices. Il pense, comme Marcellus[4], que, quoique la crédulité populaire eût établi au commencement les augures, on en avait retenu l’usage pour l’utilité de la république ; et il met cette différence entre les Romains et les étrangers, que ceux-ci s’en servaient indifféremment dans toutes les occasions, et ceux-là seulement dans les affaires qui regardaient l’intérêt public. Cicéron[5] nous apprend que la foudre tombée du côté gauche était d’un bon augure, excepté dans les assemblées du peuple, præterquam ad comitia. Les règles de l’art cessaient dans cette occasion : les magistrats y

  1. La croyance que raille Montesquieu remontait aux origines de la civilisation étrusque, et n’est aucunement l’invention de quelques beaux esprits.
  2. La politique n’est venue qu’à la fin de la République ; elle a suivi l’incrédulité. Mais on ne peut juger de la religion romaine par ce qu’en pensaient Varron ou Cicéron.
  3. Optimis auspiciis ea geri, quæ pro reipublicæ salute gererentur ; quæ contra rempublicam fierent, contra auspicia fieri. De senectute, p. 542. (M.)
  4. De divinatione, lib. II, cap. XXXV. (M.)
  5. Ibid., p. 395. (M.)