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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/39

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LE TEMPLE DE GNIDE.


solitude ; les jeux de mes compagnes ne me plaisent plus. J’aime peut-être. Ah ! si j’aime quelqu’un, ce ne peut être que Daphnis.

Dans les jours de fête, les filles et les jeunes garçons viennent réciter des hymnes en l’honneur de Vénus : souvent ils chantent sa gloire, en chantant leurs amours.

Un jeune Gnidien, qui tenoit par la main sa maitresse, chantoit ainsi : Amour, lorsque tu vis Psyché, tu te blessas sans doute des mêmes traits dont tu viens de blesser mon cœur : ton bonheur n’étoit pas différent du mien ; car tu sentois mes feux, et moi, j’ai senti tes plaisirs.

J’ai vu tout ce que je décris. J’ai été à Gnide ; j’y ai vu Thémire, et je l’ai aimée : je l’ai vue encore, et je l’ai aimée davantage. Je resterai toute ma vie à Gnide avec elle[1] ; et je serai le plus heureux des mortels.

Nous irons dans le temple ; et jamais il n’y sera entré un amant si fidèle : nous irons dans le palais de Vénus ; et je croirai que c’est le palais de Thémire : j’irai dans la prairie, et je cueillerai des fleurs, que je mettrai sur son sein : peut-être que je pourrai la conduire dans le bocage, où tant de routes vont se confondre ; et quand elle sera égarée… l’Amour, qui m’inspire, me défend de révéler ses mystères[2].

  1. A. Avec elle ; mais que deviendrois-je si Vénus alloit la prendre pour la mettre au nombre des Grâces ?
  2. A. Et quand Je l’aurai égarée. Je lui donnerai un baiser, et ce baiser me rendra si hardi… L’Amour, etc.