Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/397

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AVIS DE L’ÉDITEUR




C’est dans les dernières années de sa vie que Montesquieu acheva le roman d’Arsace et Isménie. Il n’avait jamais perdu le goût de l’Orient, ses premières amours ; il se plaisait à ces fictions transparentes, qui lui permettaient de dire la vérité à ses contemporains, en se cachant à demi sous un vêtement étranger. Il aimait cette histoire orientale, amusement de sa vieillesse ; cependant il hésitait à la publier. Vers la fin de l’année 1754, il écrivait à son cher Guasco : « Tout bien pesé, je ne puis encore me déterminer à livrer mon roman d’Arsace à l’imprimeur. Le triomphe de l’amour conjugal en Orient est, peut-être, trop éloigné de nos mœurs pour croire qu’il serait bien reçu en France. Je vous apporterai ce manuscrit, nous le lirons ensemble, et je le donnerai à lire à quelques amis. »

Montesquieu mourut deux mois après avoir écrit cette lettre ; Arsace fut oublié. Guasco écrivait en 1767 : « Ce roman n’a pas été imprimé depuis la mort de M. de Montesquieu. Le manuscrit est entre les mains de son fils, M. le baron de Secondat. La saine politique dont il est rempli perd peut-être autant à cette suppression que l’amour conjugal qui en fait la base[1]. »

C’est seulement en 1783 que le fils de Montesquieu publia cette œuvre posthume[2] ; il la fit précéder de l’avis suivant :

« M. de Montesquieu avait pris bien de la peine pour poser des bornes entre le despotisme et la monarchie tempérée, qui lui semblait le gouvernement naturel des Français ; mais comme il

  1. Lettres familières du président de Montesquieu, 1767, p. 246.
  2. Arsace et Isménie, histoire orientale, Londres et Paris, 1783, chez G. Debure, in-24.