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DE L’ESPRIT DES LOIS.


de l'esprit lumineux de notre auteur, de sorte que la matière qu’il traite successivement paroît celle qu’il sait le mieux, il examine, il analyse, il approfondit tout ce qui a rapport au change. Le change, dit-il, est une fixation de la valeur actuelle et momentanée des monnoies. Il est formé par l'abondance et la rareté relatives des monnoies des divers pays. Il entre dans un grand détail pour montrer les variations du change, comment il attire les richesses d’un État dans un autre ; il fait voir ses différentes positions, ses différents effets. Pour se faire mieux entendre, souvent il ne dédaigne pas les détails les plus minutieux, dont il profite pour s’élever aux vues générales ; il sait quelquefois même semer, pour ainsi dire, des fleurs sur les plus sèches et les plus épineuses recherches de cette matière de calcul, et il est consolant de voir élever entre ses mains ces mômes recherches à un rang si éminent, qu’on les honore aujourd’hui du nom de sciences.

Notre auteur, toujours persuadé que l’érudition choisie, bien loin de s’opposer à la science du gouvernement, lui prête un grand secours, à l’aide des précieux monuments de l’antiquité, examine la conduite des Romains sur les monnoies. Il reconnoît que, quand ils firent des changements là-dessus, lors de la première et de la seconde guerre punique, ils agirent avec sagesse ; mais qu’on n’en doit pas faire un exemple de nos jours, vu les différentes circonstances. La monnoie haussa et baissa à Rome, à mesure que l’or et l’argent devinrent plus ou moins rares. Ainsi les Romains, dans leurs opérations sur les monnoies, ne firent que ce que demandoit la nature des choses.

Du temps de la république, on procéda par voie de retranchement ; l’État confoit au peuple ses besoins sans le séduire. Sous les empereurs, on procéda par voie d’alliage. Ces princes, réduits au désespoir par leurs libéralités mêmes, altérèrent la monnoie. Ces opérations violentes, pratiquées pendant que l’empire était affaissé sous un mauvais gouvernement, ne sauroient avoir lieu dans ce temps-ci, où, indépendamment de