espèce de franchise, autant on y méprise celle du peuple, qui n’a que la vérité et la simplicité pour objet.
Enfin, l’éducation dans les monarchies exige dans les manières une certaine politesse. Les hommes, nés pour vivre ensemble, sont nés aussi pour se plaire ; et celui qui n’observeroit pas les bienséances, choquant tous ceux avec qui il vivroit, se décréditeroit au point qu’il deviendroit incapable de faire aucun bien.
Mais ce n’est pas d’une source si pure, que la politesse a coutume de tirer son origine. Elle naît de l’envie de se distinguer. C’est par orgueil que nous sommes polis : nous nous sentons flattés d’avoir des manières qui prouvent que nous ne sommes pas dans la bassesse, et que nous n’avons pas vécu avec cette sorte de gens que l'on a abandonnés dans tous les âges [1].
Dans les monarchies, la politesse est naturalisée à la cour. Un homme excessivement grand rend tous les autres petits. De là les égards que l’on doit à tout le monde ; de là naît la politesse, qui flatte autant ceux qui sont polis que ceux à l’égard de qui ils le sont ; parce qu’elle fait comprendre qu’on est de la cour, ou qu’on est digne d’en être.
L’air de la cour consiste à quitter sa grandeur propre, pour une grandeur empruntée. Celle-ci flatte plus un courtisan que la sienne même. Elle donne une certaine modestie superbe qui se répand au loin, mais dont l’orgueil diminue insensiblement, à proportion delà distance où l’on est de la source de cette grandeur.
On trouve à la cour une délicatesse de goût en toutes choses, qui vient d’un usage continuel des superfluités
- ↑ C’est-à-dire le peuple. Inf., XI, VI.